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A genoux les gars d’Antoine Desrosières

par | 16 Juin 2018 | CINEMA

Si tum suce, janule tou

Présenté en sélection Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, A genoux les gars d’Antoine Desrosières met en scène quatre adolescents de cité en plein boom hormonal – état qui atrophie certaines parties de leur cerveau déjà fainéant. Sucer ou ne pas sucer, telle est la question dans cette comédie pas vraiment drôle qui se fait cependant l’écho d’une réalité : le harcèlement et chantage sexuels, l’éternel rapport de domination du masculin sur le féminin. Si Rim (Inas Chanti) aime Majid (Mehdi Dahmane), elle lui refuse toute gâterie, démontrant par A +B à son petit ami que sucer n’est pas compatible avec ses principes “féministes“. Pourtant, pour Majid et Salim (Sidi Mejai), son meilleur ami, se faire sucer par leur “go” est la condition intrinsèque d’une relation épanouissante, peu importe que ça plaise ou non à la go en question. La fin justifie (toujours) les moyens. Enfin, pour Yasmina (Souad Arsane), petite sœur de Rim, sucer est une malédiction puisque Majid et Salim se transforment en maîtres-chanteurs et l’instrumentalisent sans scrupules du moment qu’ils éjaculent. Pipes et intimidation, tout va bien puisque ça reste “en famille” comme dit l’un des deux garçons… Le problème majeur – en dehors du jeu fragile des acteurs -, c’est bien le point de vue vacillant du réalisateur. A genoux les gars fait de la condition des deux adolescentes son terrain d’étude, mais l’émancipation des héroïnes dans ce film prend un étrange tournant. Ce n’est pas autre chose que l’esprit de revanche qui anime Rim et sa sœur Yasmina. Après s’être faites traiter de “putes”, les voilà qui crient “pédés” aux garçons qui les ont d’abord humiliées. En résumé : on se refile la honte. Et la moralité de cette histoire n’a rien de jubilatoire ni même d’égalitariste. Le cinéma étant affaire de représentation (choix de cadrage, découpage, montage), on se demande bien pourquoi dans un film qui revendique le triomphe des filles, la seule scène où l’on en voit une prendre du plaisir se transforme à 80% en dessin animé, comme si cette jouissance n’était que de la fiction – le visage de la jeune fille étant, lui, isolé à travers une petite lucarne. Montrer des filles à genoux et des sexes en érection, OK, mais des filles filmées plein pied en train de le prendre, c’est impudique ? On s’interroge. D’autant plus que le cœur battant des conversations entre les deux sœurs demeure essentiellement les mecs, Majid, Salim, leur bite et les bouches dans lesquelles ils peuvent les mettre. Bechdel : 1 – A genoux les gars : 0. Très mauvais point donc pour cette fiction façon sitcom qui confond les termes féminin et féministe, comme les termes combat et représailles. “Nous allons de façon méthodique, Rétablir l’égalité, Et punir vos infidélités” chante Marie-Hélène dans “Les garçons sont des brigands”. Le programme du (trop) long métrage est dans ces quelques lignes. Punitif et naïf.

Réalisé par Antoine Desrosières. Avec Inas Chanti, Mehdi Dahmane, Sidi Mejai, Souad Arsane … Durée : 1H 38. En salles le 20 juin 2018. FRANCE

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