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Adoration de Fabrice Du Welz

par | 24 Jan 2020 | CINEMA

Je l’aime à mourir

crédit : Les Bookmakers / The Jokers

Du sang, de la boue, et de l’amour dévorant : après le chanteur torturé de Calvaire (2004) et le couple assassin de Alleluia (2014), Fabrice Du Welz clôt sa trilogie ardennaise avec Adoration. Spécialiste du fantastique, le réalisateur belge l’aborde ici sous le prisme du conte, à travers une histoire d’amour adolescente. Paul (Thomas Gioria, découvert dans Jusqu’à la garde de Xavier Legrand), 14 ans, est un jeune garçon introverti. Le genre à parler aux oiseaux plutôt qu’aux humains. Son père est parti depuis longtemps. Sa mère travaille comme femme de ménage dans une clinique psychiatrique au milieu des bois. C’est là que Paul passe ses journées, à errer entre les arbres, observer les animaux, enfermé dans sa solitude. Jusqu’au jour où il rencontre Gloria (Fantine Harduin). Âgée d’une quinzaine d’années comme lui, c’est une nouvelle patiente, qui semble être emmenée à la clinique contre son gré. On raconte qu’elle a perdu ses parents… Malgré les avertissements de sa mère de ne pas l’approcher, Paul est fasciné par la jeune fille. Une fascination qui se transforme en amour, et l’amour en adoration. Alors quand Gloria lui propose de s’enfuir de la clinique, Paul n’y réfléchit pas à deux fois…

Comme toujours chez Fabrice Du Welz, la mise en scène a une place de choix. Tourné en 16mm, Adoration est fait pour être apprécié sur grand écran. Des mouvements de caméra au grain de la pellicule, en passant par les couleurs de la forêt, l’esthétique est particulièrement soignée. La rencontre fulgurante avec Gloria, filmée en contre-plongée et avec l’usage de ralentis, est une des plus belles scènes du film, et traduit bien le sentiment de coup de foudre éprouvé par le héros. A la fois menaçante et réconfortante, la nature est un personnage à part entière du film. Mais si la forme convainc, c’est sur le fond que le bât blesse, car la profondeur psychologique manque cruellement aux personnages. Définies à gros traits, leurs personnalités ont peu de place pour l’évolution. Sur leur passé et leur futur, on en saura peu, le scénario ouvrant des pistes sans vraiment les concrétiser. La clinique et la “folie” de Gloria offrent un écrin idéal pour ouvrir un dialogue sur la folie, l’altérité, le rapport à la normalité… Hélas, c’est une occasion manquée. Malgré tout le talent de la jeune comédienne, Fantine Harduin a du mal à emmener son personnage au-delà de la cyclothymie. Pourtant dans le rôle de Paul, Thomas Gioria s’avère brillant, habité, preuve d’un travail tangible de direction d’acteur, qui semble avoir manqué du côté féminin de ce duo. On passera sur l’apparition de Benoît Poelvoorde, dont la présence ici tient davantage du gimmick, la persona drolatique de l’acteur belge venant contraster avec le ton du reste du film. Bref, on admire l’écrin cinématographique de ce road-trip avorté, mais son traitement superficiel laisse les émotions sur le bas-côté.

Réalisé par Fabrice Du Welz avec Thomas Gioria , Fantine Harduin , Benoît Poelvoorde… Durée : 1h38 – BELGIQUE/FRANCE – En salles le 22 janvier (Les Bookmakers / The Jokers)

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