Sélectionner une page

Cherchez la femme de Sou Abadi

par | 1 Juil 2017 | CINEMA

Cachez ce féminisme que je ne saurais voir

Sou Abadi n’a pas peur des acrobaties. Avec Cherchez la femme, elle jongle entre débats autour du port du voile, traitement des migrants et interprétations dangereuses du Coran. Une comédie romantique (de moeurs) sur le fil, alliant avec audace sujets sensibles et rires – pour mieux désamorcer les tensions. Un numéro d’équilibriste qui dans l’ensemble manque d’épaisseur.

Sou Abadi s’est imprégnée de L’Escale, long-métrage de Kaveh Bakhtiari dont elle est la monteuse. Rappelant la situation des migrants cachés en attente de papiers, Cherchez la femme est une ode rocambolesque à la main tendue vers son prochain. Le travail renseigné et didactique d’Abadi sur le scénario rend la comédie prenante et crédible. Elle met en lumière un Paris cosmopolite, loin du bling-bling factice habituel, au plus proche des classes moyennes, des immigrés et enfants d’immigrés  qui font la France. Et ça, ça fait du bien.

Armand (Félix Moati), d’origine iranienne, aide des migrants, fervent protecteur des droits de l’Homme qu’il est. Mais il tient aussi aux droits de sa copine Leila (Camélia Jordana), et ceux-ci sont menacés. Elle vit recluse chez elle à cause de son frère Mahmoud (William Lebghil, découvert dans Soda), intégriste un peu nunuche à la fois drôle et glaçant. Une seule solution (ubuesque) pour ce bon samaritain d’Armand : se travestir à l’aide d’un tchador pour sauver la princesse Leila.

Si la situation permet de questionner ingénieusement la foi et la réception des textes, c’est pourtant là que l’œuvre trébuche. La femme qu’incarne avec justesse Camélia Jordana, censée être forte et libre, disparaît beaucoup trop souvent de l’écran pour que son homme aille conquérir ses droits à sa place. Et malgré le travestissement d’Armand pour devenir la pieuse Shéhérazade – « osé », comme le dit la campagne de publicité du film – le schéma phallocentré déçoit. La femme engagée qu’est Sou Abadi tombe malheureusement dans ces vieux travers. Et la glissade continue. Avec cette scène de bus où l’entièreté des voyageurs juge, conseille, et commente l’être voilé sur la validité de son choix. Ca va trop loin. Si le rire virevolte grâce à la structure en cascade du film, un malaise latent est porté par ces petites sorties de route.

Malgré l’engagement et le courage de Sou Abadi pour aborder des sujets complexes sous l’angle de la comédie, Cherchez la femme souffre d’un manque d’engagement et de profondeur sur les sujets sociétaux de fond qui sont les racines même du film.

Réalisé par Sou Abadi. Avec Félix Moati, Camélia Jordana et William Lebghil. Durée : 1h28. En salles le 28 juin 2017. FRANCE

Pin It on Pinterest

Share This