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Chien de Samuel Benchetrit

par | 10 Mar 2018 | CINEMA

L’ombre de ton chien

Après Asphalte (2015), chronique humaniste, urbaine et chorale, Samuel Benchetrit adapte à nouveau un de ses romans – Chien – mais change radicalement d’approche. Et si d’humanité, il n’y avait plus ? Si le monde n’hébergeait plus de cosmonaute mélancolique tombé du ciel (Michael Pitt dans Asphalte) mais des hommes sans rêves ni buts qui préfèrent renoncer à leur liberté par peur d’être eux-mêmes ? Jacques Blanchot, interprété par Vincent Macaigne, est de ceux-là. Un type sans intérêt que sa femme a plaqué et que son fils ne respecte pas. Un type, ni bon ni mauvais, qui dégringole jusqu’en bas de l’échelle. Sur un coup de tête, Jacques achète un chien – et un forfait de leçons de dressage qui lui coûte un bras -, mais le chien meurt. Accident. Pas de chance. Que faire alors de ces leçons de dressage déjà payées et non remboursables ? Faire le chien évidemment, jusqu’à ce que le jeu de rôles devienne sordide. Max – l’ogre Bouli Lanners -, affreux, sale et sinistre, tient la laisse que Jacques se laisse mettre autour du cou. Humiliation, déshumanisation, aliénation. Itinéraire d’un quadra piqué. Démonstratif et grotesque, le nouveau film de Samuel Benchetrit ne choquera que les bourgeois. Petite fable philosophico-intello sur la négation de soi et la servitude volontaire, favorisées par une société qui force les gens ordinaires à choisir de manière binaire un camp (dominé ou dominant, actif ou passif), Chien a la grogne molle. Benchetrit aspirait à une comédie noire et grinçante, à mi-chemin entre celles de Todd Solondz et celles d’Albert Dupontel, louant les services du talentueux Guillaume Deffontaines, chef op de Bruno Dumont, mais son trip antipathique n’est pas assez impétueux pour taper là où ça fait mal : l’indifférence, notion maîtresse d’un monde sans-cœur. Jacques – qui cherche sa place là où on la lui refuse – en trouve finalement une aux pieds du lit de Max. Pour le réconfort. Mais ce que cherche Benchetrit, lui, c’est évidement le point de bascule, l’instant où le chien n’obéit plus, ce qui déclenche chez lui soudain la rage de vivre sur deux pattes et non plus sur quatre. Pavlov, le savon (toilettage oblige), la sueur et le sang. Ni tout à fait original, ni tout à fait cinglant.

Réalisé par Samuel Benchetrit. Avec Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Vanessa Paradis… Durée : 1H34. FRANCE

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