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Coup de foudre pour Call Me By Your Name de Luca Guadagnino

par | 21 Fév 2018 | CINEMA

L’effronté

Elio a 17 ans. Il est bien né, famille d’universitaires américano-franco-italienne « discrètement juive » dans laquelle on manie avec l’élégance de l’habitude les langues et les savoirs. Il joue du piano, de la guitare, compose et lit des livres, beaucoup de livres. Elio a 17 ans, c’est l’été. L’été en Italie. L’été 1983. L’été des premières fois. Elio est à la fenêtre avec sa petite amie Maritza quand arrive Oliver, l’étudiant en archéologie qui vient des États-Unis passer l’été aux côtés de son père, éminent professeur. « Il est très confiant hein ? » Avec cette phrase, tout commence. C’est à cet instant que le trouble s’installe dans le corps et l’esprit adolescents d’Elio, comme s’il savait déjà que cet été ne serait pas comme les autres, comme aucun autre.

Là, il ne faudrait rien savoir du film et de cette histoire, ne pas lire cette critique ni les autres, ne pas voir la bande-annonce ni même l’affiche ou les photos, ne pas connaître le titre du film non plus pour apprécier la délicatesse progressive et la force subtile de ce qui nous va nous être donné à voir, à ressentir, à vivre. Mais l’affiche est partout, la bande-annonce et les magnifiques chansons de Sufjan Stevens circulent, les comédiens ont donné des interviews. Oui, Elio et Oliver vont vivre une belle histoire d’amour, de ces histoires qu’on a vécues ou qu’on aurait aimé vivre, de celles qui marquent à vie, de celles qui construisent un homme, qui font grandir.

Call Me By Your Name est une forme de petit miracle de cinéma qui tirerait profit de tout ce qui avait déservi jusqu’à présent les films de son réalisateur Luca Guadagnino : les histoires de famille, les tensions sexuelles, l’héritage italien. L’Italie est à la fois décor et sujet : ses paysages, ses grandes places désertes plombées de soleil, ses rivières, ses chemins, ses discours politiques, son archaïsme, son histoire. La sexualité et son questionnement sont au centre du film qui voit son personnage central vivre deux premières fois. Toute la subtilité de cette histoire d’amour vient de ce que ressent le personnage d’Elio, ce balancement continu entre pudeur et impudeur, gestes provocants et honte rougissante, regards hésitants ou directs, danses de défi ou de séduction, et puis l’attente surtout, l’envie qui déborde.

Amira Casar et Michael Stuhlbarg sont éblouissants dans les rôles très casse-gueules des parents bourgeois, ouverts et érudits. Esther Garrel livre une jolie partition dans la position inconfortable de la petite amie délaissée. Armie Hammer incarne magnifiquement l’Américain faussement désinvolte et Timothée Chalamet s’impose avec l’intelligence et la fougue qu’il donne au personnage d’Elio comme le plus grand comédien de sa génération. L’alchimie entre leurs corps, le contraste entre leurs voix assurées, profonde et chaude pour l’un, éraillée, vibrante et insolente pour l’autre participent à la séduction implacable du film. Quand Oliver prononce « Oliver » ou qu’Elio prononce « Elio », toute la charge émotionnelle et sexuelle du film vibre à travers les secrets des amants. Ces voix, ces mots, ces lieux et ces sons hanteront longtemps nos vies, implantés en nous comme des souvenirs profonds, comme un chagrin d’amour réellement vécu, par la magie d’un film rare.

Réalisé par Luca Guadagnino. Avec Timothée Chalamet, Armie Hammer, Esther Garrel, Amira Casar, Michael Stuhlbarg. Durée : 2h11. FRANCE – ITALIE – USA.

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