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Entretien avec Arnaud Valois – Nathan dans 120 battements par minute

par | 21 Août 2017 | CINEMA, Interview

On n’est plus dans un film mais dans une aventure artistique, sociétale et politique

Dans 120 battements par minute, il est Nathan, jeune homme séronégatif qui fait ses premiers pas de militant chez Act Up et tombe amoureux de Sean. Arnaud Valois avait été découvert chez Nicole Garcia (Selon Charlie, 2006) et André Téchiné (La Fille du RER, 2009) avant de se former  en Thaïlande au métier de masseur. Il nous raconte son parcours et son retour à l’écran motivé par un film pas comme les autres dans lequel le contraste entre sa carrure et sa douceur fait merveille.

Pouvez-vous nous retracer votre parcours et ce retrait des écrans après votre premier grand rôle au cinéma en 2006 ?

J’ai fait la classe libre du Cours Florent après avoir quitté Lyon en 2003 ou 2004 et j’ai été repéré par le directeur de casting de Nicole Garcia pour Selon Charlie. Je pensais, en tant que jeune comédien, qu’après un film comme celui-là, présenté en sélection à Cannes, avec un gros casting, ça allait exploser mais cela n’a pas du tout été le cas ! J’ai fait quelques petits rôles par la suite, avec de super réalisateurs mais j’ai senti que cette attente et cette frustration commençaient à me peser, je me suis dit :  « ok, on arrête ». J’avais 25 ans et le désir de me réaliser. C’était mon rêve de gosse mais je ne voulais pas m’acharner. J’ai fait des petits boulots et découvert la Thaïlande, un grand choc pour moi. J’y suis retourné pour me former au massage thaï et en rentrant à Paris mes potes m’ont conseillé de me lancer dans cette nouvelle voie professionnelle. J’ai commencé mon activité et une école de sophrologie. Là, je reçois un appel de la directrice de casting de Robin Campillo qui me demande si je suis toujours comédien. Je lui réponds que non et lui explique ce que je faisais. Du coup, elle me dit « T’as pas un CDI derrière un bureau, tu peux prendre un peu de temps pour passer des essais ! ». Avec un projet comme celui-là, il était difficile de refuser. J’y suis allé avec les mains dans les poches et j’ai pris un plaisir fou à jouer pendant les essais. C’était particulier, des séances de travail de 2 heures, du travail sur les intentions, avec différentes scènes et différents partenaires. Le processus a duré trop longtemps et j’en ai eu marre, j’ai dit que j’arrêtais. Le lendemain, Robin m’a confirmé que j’avais le rôle. C’était tellement important pour lui d’être sûr de ses acteurs, il lui fallait être en totale confiance et il voyait un Nathan peut-être plus fragile, sans ce côté posé qui, je pense, se dégage de moi.

Comment êtes-vous entré dans l’univers d’Act Up-Paris ?

On a vu des documentaires, Portrait d’une présidente (documentaire réalisé par Brigitte Tijou en 1994, ndlr) et le doc de Canal+ sur l’Obélisque (24 heures « Act Up Guerilla » de l’agence Capa, 1993, ndlr). Je n’avais pas besoin de me créer un côté militant puisque mon personnage ne l’est pas, il arrive tout juste dans l’association, et comme on a tourné dans l’ordre, je pouvais le construire petit à petit. Le tournage m’est apparu très joyeux et très facile. J’étais très à l’écoute, c’était dense, intense. Dans certaines scènes, Robin avait besoin d’éléments très précis parce qu’il avait vécu ces moments. Il était parfois comme possédé, surtout pendant les scènes d’amphithéâtre qui étaient incroyables à gérer : plus de 100 personnes sur le plateau en plein canicule de l’été dernier fin août, début septembre. Je découvre avec les avant-premières et les débats, avec les questions qu’on pose à Robin, que c’était plutôt pas mal que l’on n’ait pas cette pression du réel sur le tournage. On n’est plus dans un film mais dans une aventure artistique, sociétale et politique. Dès le début du tournage, j’ai dit à ma mère que j’avais peur. Je savais qu’il y aurait un avant et un après tellement c’était fort ! C’est quelque chose qu’on ne vit qu’une fois. Je suis juge et parti mais je pense que le film met en transe et en tension au bout de 5 minutes ! Je pensais que cela s’adresserait simplement à un certain public et je sais maintenant que le message du film est complètement universel.

Le couple que vous formez avec Nahuel Pérez Biscayart (Sean) a fonctionné tout de suite ?

La première fois, pour Robin, on n’allait pas ensemble ! Ça ne fonctionnait pas sans qu’on sache pourquoi. Quelques semaines après, il y a eu des essais plus dans le contact des peaux, la proximité des corps et là, ça a vraiment marché ! Pendant le tournage, on s’est tous les deux conditionné dans un fonctionnement de couple pour que cela fonctionne à l’écran.

Comment envisagez-vous l’après-120 bpm ?

Je n’ai pas envie que le cinéma prenne toute la place car j’ai trouvé dans ce cheminement personnel, ce développement personnel, un équilibre que je n’ai pas du tout envie de perdre. Il y a des propositions qui arrivent depuis Cannes. J’aime me dire que je ne suis pas un comédien qui fait du massage et de la sophrologie, je suis un masseur-sophrologue qui a fait un film et en fera peut-être d’autres. Le cinéma c’est merveilleux mais cela peut être dur. J’ai 33 ans, j’ai un métier et je n’ai pas les mêmes ressentis que lors de mes premières expériences. Donc on verra, il faudra un projet fort pour que je replonge, mon agent comprend complètement mon point de vue et mes besoins. Je n’étais plus habitué à tout cela, ce festival de Cannes a été incroyable comme tous les échanges vécus depuis en avant-premières. Ce qui m’intéresserait dans l’absolu c’est d’aller vers le tragique, le fragile, l’ambivalent. Ce que je n’ai pas vraiment eu l’impression d’avoir fait jusqu’à maintenant. Mon niveau d’exigence est énorme aujourd’hui d’autant plus que j’ai un métier donc il n’y a aucune urgence !

Propos recueillis par Franck Finance-Madureira

 

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