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Paul Sanchez est revenu de Patricia Mazuy

par | 22 Juil 2018 | CINEMA

La charge ironique

Cela fait longtemps qu’on suit le parcours de Patricia Mazuy, réalisatrice éclectique et inspirée dont la mise en scène se renouvelle et s’enrichit au gré des sujets, des ambiances. De Peaux de vaches, son premier film avec Sandrine Bonnaire en 1988 à Travolta et moi (l’un des films originellement produit pour Arte dans la mythique collection « Tous les garçons et les filles de mon âge » et sorti en salles en 1994) ou son plus récent Sports de filles (2011) avec Marina Hands, Mazuy a toujours su transcender ses sujets par un sens inné du récit et une mise en scène inventive. Elle est de retour avec un film hybride (« transgenre » comme elle le proclame dans le dossier de presse !) qui ne choisit jamais son camp : Paul Sanchez est revenu utilise la fascination pour le fait divers pour créer un film de genres, à la fois comédie, polar, western et chronique sociale. Au cœur du dispositif un drame qui rappelle celle de Xavier Dupont de Ligonnès (qui a disparu après l’assassinat à Nantes de sa femme et de ses enfants) et les fantasmes entourant sa disparition, une unité de lieux (quelques kilomètres carrés aux Arcs-sur-Argens comprenant montagnes et rivières, zone pavillonnaire et zone commerciale, gendarmerie et bureau de Var-Matin), et un quatuor de personnages drôles et troublants. Si Laurent Lafitte excelle, une fois de plus, en campant un personnage ambigu dont on ne sait jamais s’il est fou, ironique, machiavélique, mythomane ou les quatre, Zita Hanrot incarne, face à lui et avec une énergie comique qu’on lui connaissait peu, une gendarme (trop) intrépide qui croit tenir « son » affaire aux côtés d’un commandant fantasque (génial Philippe Girard, acteur fidèle d’Olivier Py, qui marque de son empreinte unique tous les seconds rôles que le cinéma lui a offert depuis Cible émouvante et Les Apprentis de Salvadori) et d’un Tintin reporter de PQR un tantinet mégalo (Idir Chender, jeune comédien à la force tranquille révélé par Carbone d’Olivier Marchal).

Des visages, des décors, des musiques (John Cale qui collabore pour la troisième fois avec la réalisatrice) mais surtout une vraie foi en la force du récit et de la mise en scène. Patricia Mazuy nous balade (géographiquement et mentalement) avec ironie dans un quotidien banal qui, nourri de fantasmes, d’espoirs et de soupçons, devient fiction. C’est sur cette frontière entre le quotidien et la fiction que se joue tout le film, que les sens se perdent : celui de la réalité, de la logique, tout comme la perception des personnages (Criminel ou schizo ? Gendarme modèle ou folle inconsciente?) et des lieux (Zone industrielle ou No man’s land ? Joli pavillon avec piscine ou scène de crime ? Crète de randonnée ou Rocheuses Fordiennes?). Paul Sanchez est revenu est un film sur le questionnement, le doute, sur l’entre-deux, qui n’a qu’une certitude :  la force du cinéma.

Réalisé par Patricia Mazuy. Avec Laurent Lafitte, Zita Hanrot, Philippe Girard, Idir Chender, … Durée : 1H51. En salles depuis le 18 juillet 2018. FRANCE. (Photos : SBS Distribution)

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