Sélectionner une page

Bertrand Mandico (Un couteau dans le cœur) : “Yann Gonzalez est possédé par le cinéma”

par | 24 Juin 2018 | CINEMA, Interview

 

A l’occasion de la sortie le 27 juin du deuxième long métrage de Yann Gonzalez, Un couteau dans le cœur, nous avons rencontré les principaux acteurs de cette histoire de chair et de sang, et même Bertrand Mandico, réalisateur des Garçons Sauvages et Ultra Pulpe, qui a passé une tête sur le plateau…

Votre personnage dans le film, en quelques mots ?

François Tabou librement inspiré par François About qui fut réalisateur et surtout opérateur de films pornos gays. Je vois ce personnage comme un télescopage improbable entre le Michael Lonsdale d’une Sale histoire d’Eustache, Pierre Lhomme que l’on aperçoit filmer avec délectation Carole Laure nue et chocolatée dans Sweet Movie (Makavejev), le tout saupoudré d’une pincée de Jess Franco et de Wakefield Poole… Une sorte de chat filmant et fumant.

Un couteau dans le cœur a quelque chose d’opératique. Si votre personnage devait être un compositeur de musique classique ou une pièce musicale classique, qu’est-ce qui le représenterait le mieux ? Que lui choisiriez-vous ?

Une hybridation entre le lyrisme mélancolique de Gustav Holst et le psychédélisme planant de Dashiell Hedayat (presque classique). Les planètes – Neptune (de l’un) et Long song Zelda (de l’autre).

Dans le film, il y a des films qui se font. Comme dans Ultra Pulpe (en salles le 15 août NDLR). Quels sont les autres films – qui mettent en scène le processus de création, qui filent les mises en abime – qui vous tiennent à cœur ?

Dans un ordre approximatif, je dirais : Toby Dammit de Fellini (pour ne pas dire 8 et demi) moyen métrage où l’on suit un acteur sous LSD censé faire un western christique, Prenez garde à la sainte putain de Fassbinder (crise de tournage au bord de la mer « L’ État des choses » électrique),  Mulholand Drive de Lynch (comme une évidence), Le jour du Fléau de John Schlesinger (Hollywood contaminé par ses démons), Freddy sort de la nuit de Wes Craven (la mise en abime totale), Les ensorcelés et Quinze jours ailleurs de Vincente Minelli (pour conclure classiquement)…

Y a-t-il un (plusieurs) film(s) queer qui vous a (ont) profondément marqué dans votre cinéphilie ?

Un chant d’amour de Genet, le film le plus beau qui soit. Tout Kenneth Anger, Thundercrack! de Curt McDowell, iconoclaste et donc queer, Bijou de Wakefield Poole, porno et surimpressionné, Funeral Parade of Rose de Toshio Matsumoto, une sorte de perfection …

Et plus intimement, dans votre construction personnelle ?

Querelle de Fassbinder qui reste un de mes films favori, la connexion Genet /Reiner est sublime. Le Satyricon et Toby Dammit de Fellini, que je vois comme des films Queers malgré eux, psychédéliques et ivres d’eaux même et le Mishima de Paul Schrader pour sa construction mentale.

Yann Gonzalez sur un plateau en quelques mots ?

La douceur fébrile…. Il est possédé par le cinéma.

Qu’est-ce qui vous lie si profondément à Yann et son cinéma ?

Nous avons des personnalités très différents et très marquées, mais nous sommes ancrés par des racines communes. Nous avons des désirs filmiques similaires, nous partageons des idéaux et une foi aveugle dans le cinéma. Si je dois énumérer ce qui nous relie : l’amour de la pellicule, la stylisation, l’onirisme, le (sur)réalisme magique. Cette façon aussi de digérer des influences multiples et variées, liées à l’avant garde, à un certain cinéma d’auteur marginal ou au cinéma de genre outrancier. Une approche romantique du jeu d’acteur et l’amour qu’on leur porte. Un besoin viscéral d’inonder nos images de sons et de musiques porteuses et hypnotiques. Le goût des dialogues mélodiques, non naturalistes. L’imaginaire et l’optimisme… Le beau bizarre, les monstres et les divas.

Un titre et pitch imaginaires pour le prochain film que vous pourriez faire ensemble ?

« Nul autre que toi ne pourrait me regarder comme ça… ». Deux amoureux défigurés à travers le temps et les espaces qui se cherchent et quand leurs regards se croisent, ils sont propulsés dans un ailleurs où ils n’ont qu’une idée en tête se retrouver. Ils multiplient les expériences sexuelles et addictives, au travers de métamorphoses improbables. Un film cosmique, construit comme un chant des possibles. Ça se déroulerait sur plusieurs planètes, dans des mondes de mutants aimants et de chimères mélancoliques… Le tout librement inspiré de la Divine Comédie.

Propos recueillis par Ava Cahen.

Pin It on Pinterest

Share This