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Vincent Mariette (Les Fauves) : “J’aurais pu faire un film sur un mec et des questions de mecs, mais mon désir de cinéaste n’était pas à cet endroit.”

par | 22 Jan 2019 | CINEMA, Interview

Copyright Carole Bethuel

En salles ce mercredi 23 janvier 2019, Les Fauves, un film de genre pas comme les autres porté par un duo inédit à l’écran : Lily-Rose Depp et Laurent Lafitte. Nous avons rencontré le réalisateur, Vincent Mariette. Plongée dans l’adolescence et le cinéma. 

Quel a été le point de départ de cette histoire adolescente qui se déroule dans un camping ?

Vincent Mariette : C’est la conjonction de plein de désirs qui se sont amalgamés. Le désir de parler de ressentis adolescents qui pouvaient être les miens. J’ai été adolescent, j’ai fait beaucoup de camping. J’avais envie d’aborder ces questions-là par un biais détourné, hors de ce à quoi je peux m’attendre avec ce genre de film, le teen movie, que je connais bien et qui a tout un tas de codes. J’envisageais un peu l’espace du film comme l’espace d’un campus, tout en transformant les choses : ce n’est plus un vestiaire, mais un arbre avec sept troncs, c’est n’est plus dans les toilettes que se font les confidences, mais au bord d’une piscine. J’avais aussi l’envie de filmer une fille. J’aurais pu faire un film sur un mec et des questions de mecs, mais mon désir de cinéaste n’était pas à cet endroit. J’aime beaucoup l’univers de la romancière Laura Kasischke, c’est d’ailleurs pour cela que le personnage principal s’appelle Laura. Puis, il y avait aussi l’idée que l’été, on entend souvent des histoires improbables, des animaux qui s’échappent d’un zoo et sèment la panique dans un parking de supermarché, ce genre de légendes urbaines ou de faits divers. J’avais envie de travailler autour de cela, d’injecter la rumeur, la légende, et d’en faire pour le personnage une forme de quête d’absolu. C’est l’histoire d’une nana, d’une jeune fille un peu en marge, qui cherche comme toutes les jeunes filles de son âge quelque chose de romanesque, pour sortir d’un train-train, d’un quotidien. Ce romanesque va prendre la forme de ce type bizarre interprété par Laurent Lafitte, et avec lui, Laura va créer une légende, ce qu’elle trouve super cool parce que c’est une ado !

Aviez-vous déjà une actrice en tête au moment de l’écriture ?

Vincent Mariette : Quand j’ai écrit, j’avais en tête Christina Ricci quand elle était adolescente. Je dois avoir à peu près le même âge qu’elle, et j’étais ado moi-même quand je l’ai découverte dans des films, et elle me fascinait. J’étais amoureux d’elle, c’était pour moi la femme idéale ! Je crois que j’avais besoin d’écrire un personnage dont je tombe amoureux. Disons que Laura aurait été la fille dont je serais tombé amoureux quand j’avais 17 ans, et évidemment, elle n’aurait pas voulu de moi. Quand j’ai vu Lily-Rose Depp dans Planétarium de Rebecca Zlotowski,  j’ai trouvé avec Christina Ricci des points de convergence. Une beauté et une étrangeté en même temps. Je pense que le film a été financé parce que Lily-Rose s’est engagée sur le projet. C’est son premier premier rôle, et c’est ça qui a intrigué les financiers. Sans cela, je ne suis pas sûr qu’on aurait pu produire ce film, pas sûr que cela aurait pu se faire avec quelqu’un d’autre dans le rôle de Laura. On l’a fait, donc je suis ravi, avec un budget correct, pas dans des conditions de dingue quoi, avec l’économie d’un film d’auteur. Le film était particulier à l’écrit déjà, il l’est encore plus à l’écran, à travers les parti-pris de mise en scène. Je ne sais pas si tout ça peut cadrer avec les goûts du public français, c’est une de mes grandes et nombreuses inquiétudes. Une chose est sûre, j’ai fait le film que je voulais faire, en terme de ressentis, d’ambitions artistiques, d’atmosphère, c’est là où je voulais aller. Je ne sais pas si j’en ferai un troisième (Tristesse Club était son premier long métrage, NDLR), on verra…

Vous cosignez le scénario avec Marie Amachoukeli (coréalisatrice de Party Girl, 2013), comment avez-vous travaillé ensemble ? 

Vincent Mariette : J’ai tout écrit et Marie était là comme une béquille structurelle. Elle a été présente à toutes les étapes de l’écriture, puisque que cette dernière a pris beaucoup de formes différentes. Moins d’un an avant le tournage, c’était un film choral, l’histoire de Laura faisait partie de trois autres histoires qui s’imbriquaient. Structurellement, j’ai cherché le film. J’ai écrit tous les personnages, tous les dialogues, et chaque fois je faisais lire à Marie, on en parlait, elle me recadrait, elle me ramenait vers ce qui était le cœur du film. Marie était un genre de super consultante !

Propos recueillis par Ava Cahen et Franck Finance-Madureira

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