J’ai retrouvé sur ce tournage un sentiment un peu perdu depuis l’adolescence : la fascination pour des êtres brillants
Vous n’oublierez jamais le son de sa voix dans le mégaphone dans l’une des scènes les plus fortes du film ! C’est un premier grand rôle au cinéma pour ce comédien plus habitué aux créations théâtrales. Avant d’incarner Thibault, le président d’Act Up-Paris dans 120 battements par minute, Antoine Reinartz a été remarque dans Quand je ne dors pas de Tommy Weber et Nous sommes jeunes et nos jours sont longs de Cosme Castro et Léa Fores. Rencontre avec un acteur engagé et investi à la hauteur des exigences de son rôle dans le film de Robin Campillo.
Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans le métier ?
J’ai toujours voulu être comédien, je suis parti de chez mes parents à 15 ans pour faire une option théâtre dans un lycée à Nancy, les plus belles années de ma vie ! C’était magique. Comme je viens d’un milieu éloigné de l’artistique, mes parents sont vétérinaires, j’ai fait des études et j’ai repris le théâtre beaucoup plus tard puisque j’ai fini le Conservatoire de Paris il y a 3 ans. Ma première expérience dans un long métrage, après quelques films courts, c’est avec Quand je ne dors pas de Tommy Weber (2015), c’était un film fait avec un tout petit budget en noir et blanc. C’était très facile avec une petite équipe et mon rôle était drôle et finement écrit. Il y avait toujours quelque chose pour éviter les clichés.
Comment 120 battements par minute est entré dans votre vie ?
Dès que j’ai rencontré la directrice de casting au tout début, j’étais déjà emballé. Le casting a duré près de 9 mois. J’avais le rôle, d’autres rôles, puis plus de rôle du tout. C’est difficile d’exprimer ses désirs dans ce cadre où on est pas décisionnaire. Finalement, ils m’ont appelé 10 jours avant le tournage. En termes de sens, de rôle, je savais que je pouvais le faire et que cela serait important pour moi. Je pense que je n’aurais pas été bon dans le rôle de Sean. Ce rôle-là me correspondait vraiment. J’ai énormément travaillé dès les castings pour lesquels il y avait 5 scènes à préparer, j’étais prêt comme pour un tournage ! J’ai été président d’une association, j’ai fait du lobbying pour des personnes détenues donc cette idée du militantisme me parlait profondément.
Quel rapport avez-vous créé avec ce personnage de Thibault, le président d’Act Up ?
Beaucoup de gens le trouve un peu antipathique comme l’association pouvait diviser à l’époque sur ses méthodes, sa violence, ses débats internes, mais moi je ne me rendais pas compte. Je m’en sentais proche et dans mon idée la société se porterait mieux si elle était à l’image d’Act Up ! Pierre Bergé disait que la force d’Act Up c’était d’avoir compris que parfois il ne fallait pas être dans la compromission mais dans le choc, ça me parle même si je ne me sens pas aussi radical. Le film a la force d’un retour au réel, il est radical mais fin.
Avez-vous été surpris par le film en le découvrant ?
On a tourné dans l’ordre car Nahuel (Sean) devait perdre du poids et ce qui m’a le plus surpris c’est à quel point le personnage de Sean était central dans l’histoire. En ayant vécu ce tournage et en voyant le regard de Robin Campillo sur chacun, je n’en avais pas eu conscience. A la première vision on ne voit que soi et on se trouve insupportable mais à la deuxième, on parvient à voir le travail de Robin et on se rencontre qu’il n’a jamais laissé ses acteurs dans quelque chose de moyen. Au montage, il a vraiment pris le meilleur de nous. Il y a une scène dont je n’étais pas content et elle a été coupée à ma plus grande joie. C’était un moment de doute de Nathan sur son amour pour Sean et je lui répondais de façon très militante et je pense qu’on était mauvais !
Quels souvenirs garderez-vous de Cannes ?
Je sortais de l’hôpital après un accident sur scène et passer d’une chambre d’hôpital aux marches du festival de Cannes, c’était incongru mais l’accueil a été magique ! Pendant qu’on a fait le photo-call, on a compris que tout se jouait en projection de presse le matin et on était dans l’attente. Quand les premiers tweets sont publiés, on peut aller à la conférence de presse un peu plus détendu, on sait que les gens ont aimé. Les questions étaient pertinentes, c’était incroyable de sens ! Tout avait du sens : la montée des marches, les strass et paillettes mais également la présence de Didier Lestrade (co-fondateur d’Act Up-Paris), de Philippe Mangeot (ancien président d’Act Up-Paris et co-scénariste du film), c’était fort. J’ai retrouvé sur ce tournage un sentiment un peu perdu depuis l’adolescence : la fascination pour des êtres brillants. Le rapport au sein du groupe était sain, sans concurrence. Retrouver tout ce groupe à Cannes, c’était dingue et fort. Tout cela correspond tellement à mes idéaux ! C’est du plaisir, de la joie pure.
Propos recueillis par Franck Finance-Madureira