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Festival d’Arras, épisode 2 : Focus sur “Une Intime conviction” et “Heavy Trip”

par | 10 Nov 2018 | CINEMA, Interview

Avant-premières exceptionnelles, compétition de films européens et découvertes, FrenchMania, partenaire du festival d’Arras, partage ses coups de cœur et scrute la compétition européenne de ce rendez-vous nordiste éclectique et convivial. Épisode 2 de notre reportage arrageois avec une interview d’Antoine Raimbault au sujet de son premier film Une Intime conviction et quelques mots sur l’étonnant film finlandais Heavy Trip.

Une Intime conviction d’Antoine Raimbault / Avant-premières

Thriller judiciaire

En 2009, Jacques Viguier est innocenté du meurtre de sa femme mais la procureur général fait appel de ce jugement et un procès en appel s’ouvre donc en 2010. C’est ce procès-là que suit Une Intime conviction, et ce procès sans aveu, sans corps, sans preuve donne lieu à un film passionnant. Pour son premier long métrage, Antoine Raimbault réussit un pari rarement tenté par le cinéma français : un film de procès qui prend la forme d’un thriller haletant ! A l’image de ses modèles américains, le film mêle personnages fictifs et réels dans une course contre la montre qui embarque dans une course folle Nora (Marina Foïs, bluffante), jurée au premier procès, convaincue de l’innocence de Jacques Viguier, et Eric Dupond-Moretti (Olivier Gourmet, incarnation impressionnante qui évite tous les écueils de l’imitation), avocat bien connu qui accepte de défendre l’accusé dans ce nouveau procès en appel. Les obsessions et le jusque-boutisme de Nora vont se heurter aux doutes du ténor du barreau et à sa mesure, mais également avoir des conséquences sur sa vie personnelle et professionnelle. Le film déploie, sur un rythme à l’accélération exponentielle, une aventure folle de recherche de la vérité ou du doute qui bouscule tout sur son passage. Mise en scène précise, dialogues au cordeau, duo d’interprètes hyper convaincant, Une Intime conviction est une réussite qui n’a rien à envier aux classiques films de procès américains !

Antoine Raimbault, réalisateur d’Une Intime conviction : “Pour moi, Marina Foïs, c’est James Stewart !”

Pourquoi avez-vous eu envie de parler de l’affaire Viguier et du procès en appel en particulier ?

C’est un peu le hasard. Je m’intéresse à la question judiciaire et j’allais pas mal assister aux comparutions immédiates mais pas non plus sous une forme obsessionnelle. Et j’écrivais pas mal sur le doute, des films qui posent les cartes et qui laissent le spectateur se débrouiller. Je faisais lire ça à différentes personnes et notamment au cinéaste Karim Dridi qui est un ami. Un jour c’est lui qui m’a parlé de l’affaire Viguier. Je lui ai dit que c’était compliqué, qu’il fallait être Oliver Stone ! J’ai donc assisté au procès, j’ai découvert ses enfants et je me suis dit qu’il fallait représenter cela, que cette affaire était vertigineuse et symbolique des dysfonctionnements de la justice française : une condamnation sans preuve et un meurtre sans cadavre ! En plus j’ai des références cinématographiques qui sont anglo-saxonnes en ce domaine. Cette affaire est singulière mais très révélatrice et je me suis beaucoup intéresse à la notion d’intime conviction des jurés. Ce qui m’intéresse ce n’est pas tant de savoir ce qui s’est passé mais comment on juge un homme sans preuve, c’est tout le sens du film. J’ai donc eu cette idée du personnage de fiction, interprété par Marina Foïs. Pour faire du cinéma il faut un personnage, un point de vue.

Comment est-il né ce personnage de Nora justement ?

C’est un mélange de plusieurs personnes qui ont existé. La première rencontre importante que j’ai faite, c’est une femme qui s’appelle Émilie et qui est la maîtresse de Jacques Viguier, et son étudiante puisqu’il était prof de droit. Elle est entrée dans sa vie quand il est entré en prison et elle a découvert l’horreur de la justice, le rouleau compresseur qui broyait cet homme qu’elle aimait ! Je voulais écrire sur elle au départ mais comme je voulais un film de procès, et que je souhaitais mettre en avant une démarche citoyenne, donc le personnage de Nora est un mélange de cette Émilie et de pas mal de jurées que j’ai rencontrées sur plein d’autres affaires. L’idée c’était d’avoir un point de vue du procès de l’intérieur, dans les coulisses car j’ai vécu ce deuxième procès très proche de la famille et de l’avocat Dupond-Moretti. C’est un personnage de fiction mais, sur le procès, rien n’est inventé, tout est vrai, sourcé, tout ce qui est dit à la barre a été dit, ainsi que dans les écoutes téléphoniques qu’on a reproduit à la lettre. Son obsession à elle a été la mienne à un moment ! C’est assez rare dans les procès en France qu’il y ait de vrais rebondissements ! L’avocat ne cherche pas la vérité mais à défendre son client et à faire valoir le doute alors que Nora, en électron libre, cherche la vérité. C’est là le sujet du film à travers cette confrontation entre les deux personnages. On attend toujours de la justice qu’elle produise de la vérité mais elle ne produit que du doute, et dans la procédure française ni la preuve, ni la vérité ne sont les enjeux de la défense.

En termes de références cinématographiques, les films de procès sont plutôt américains mais aviez-vous quand même quelques exemples français en tête ?

A dire vrai je me suis tout tapé ! J’ai vu tous les films de procès et il y en a de très bons même si le meilleur c’est le chef d’œuvre de Clouzot, La Vérité. Nous, ce qu’on a produit en France, ce sont plutôt ce qu’on appelait des drames de prétoire ! Jusqu’à la fin des années 60 il y en a eu pas mal notamment ceux d’André Cayatte qui étai un ancien avocat mais c’était des drames. Les Américains, eux, sont plus dans le thriller. Là, on est dans un film d’enquête, de contre-enquête, avec des rebondissements qui n’arrivent que très rarement dans la justice française. J’ai été dans une écriture de thriller et de suspense car c’est ce que j’ai ressenti en assistant aux procès aux assises, on est en apnée, on devient un peu fou. Et je voulais traiter de la conviction comme d’une emprise sur la raison, qui devient presque un aveuglement. Ce dossier a été empoisonné par les aveuglements successifs et notamment des journalistes qui ont raconté cette histoire-là, de l’homme qui a tué sa femme, et la justice n’a pas résolu cette affaire. La vérité policière n’est pas la justice.

Comment Olivier Gourmet et Marina Foïs ont-ils réagi quand vous leur avez proposé ces personnages, réel pour l’un, fictif pour l’autre ?

Ils ont dit oui tout de suite tous les deux. Marina est très intéressée par ce type de sujet, par les procès. Et c’est évident qu’elle a ce truc d’empathie très naturel, elle dégage une empathie très forte et elle peut jouer des personnages un peu borderline. Pour moi, Marina Foïs, c’est James Stewart. Dans Sueurs froides, il va loin mais on est toujours avec lui ! Pour Gourmet, c’était casse-gueule mais il y avait un truc fort. Avec Dupond-Moretti, je les ai présenté l’un à l’autre, ils sont fait du même bois ! Il y a eu une vraie rencontre entre l’acteur et le personnage, une voix, un corps une humanité. Il n’a jamais cherché à l’imiter mais il a chopé des trucs incroyables, des gestes, une façon de fumer sa clope, … Sur les aspects techniques, je les ai fait travailler des PV, emmené aux Assises et je leur ai organisé des ateliers pour qu’il connaissent les fonctions de chacun. Comme on apprend le piano pour jouer un pianiste. Marina et Olivier sont très physiques et je ne les avais jamais vu au cinéma ensemble ! Je trouvais que cela fonctionnait, qu’il y avait un super équilibre.

Une Intime conviction sera en salles le 6 février 2019

 

Heavy Trip de Jukka Vidgren et Juuso Laaio / Découvertes européennes

Farce métal

Les 4 membres d’un groupe de métal végètent dans leur d’un petit village de Finlande ! Quand un programmateur de festival de hard-rock norvégien passe acheter du sang de renne dans l’abattoir qui leur sert de lieu de répétition depuis 12 ans, l’occasion est trop belle et l’idée de faire, enfin, un concert va devenir une obsession. La rumeur parcourt le village … Ne reculant devant aucun effet, ce film potache ne fait pas dans la nuance et c’est ça qui est bon ! Personnages haut-en-couleur, univers décalé, métal, vomi et terrorisme, Heavy Trip, farce finlandaise qui va crescendo dans un délire pur, est une véritable bonne surprise !

Pas de date de sortie française

Photos/Crédits : Marina Foïs dans Une Intime conviction / Memento Distribution – Antoine Raimbault / photo : Antoine Raimbault – Heavy Trip / LevelK Films

 

 

 

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