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Matthias et Maxime de Xavier Dolan

par | 29 Mai 2019 | CINEMA

L’adieu à l’adolescence

Copyright Shayne Laverdiere – Diaphana Distribution

Matthias et Maxime est un adieu. Avec ce 8ème long métrage, Xavier Dolan boucle la boucle. On retrouve l’ambiance à la fois foutraque et sensible qui nous avait tant séduits dans son premier film J’ai tué ma mère, enrichie des années de vie, d’expérience et de recul de son jeune auteur. Xavier Dolan vient d’avoir 30 ans et il le sait bien (l’accueil mitigé de son – pourtant très réussi – Ma vie avec John F. Donovan), il ne sera plus jamais aussi célébré que par le passé, son côté jeune prodige (8 films avant 30 ans quand même !) a vécu. Après donc son œuvre la plus lyrique et la plus puissante, il se permet ce film de potes, de bande, de gang comme on dit au Québec.

Matthias (Gabriel d’Almeida Freitas, belle découverte, sobre et juste) et Maxime (Dolan lui-même, plus pertinent que jamais en tant qu’acteur) se retrouvent pour un week-end entre mecs. Au programme, un incroyable concours de vannes, de mises en boîte, qui semble ininterrompu depuis l’enfance, avec ce qu’il faut de justesse et de précision pour faire mouche, secret des plaisanteries entre personnes qui s’aiment depuis longtemps. La langue d’une bande de potes, c’est celle de la connivence, du “no limit”, celle où chaque (bon) mot fait référence directement ou indirectement à un souvenir commun. Ce sont des blagues qui rapprochent, qui crient combien on s’aime sans jamais se le dire. En quelques minutes, et souvent grâce aux sous-titres en français pointu, on fait partie de la bande.

Petit caillou dans l’organisation du week-end, la petite sœur d’un des amis s’est incrustée, et, double-caillou, elle s’est mise en tête de réaliser un (très) court métrage. Dernier hic : à la suite d’un pari Matthias et Maxime sont désignés pour incarner deux jeunes hommes s’échangeant un baiser. Le trouble qui va s’installer entre les garçons, amis d’enfance, l’un en pleine ascension sociale et l’autre sur le départ pour l’Australie, sera le cœur brûlant du film. Dolan suit ses deux personnages-titres dans leurs bouleversements intimes, leur relation au groupe, mais également avec leurs familles, dissemblables mais, chacune à sa façon, encore très présentes dans leurs vies. Ce groupe de garçons, nous ne saurons jamais vraiment rien de leur sexualité, l’enjeu n’est pas là.

Ni coming of age, ni romance, Matthias et Maxime se concentre sur un trouble, sur ces sentiments qu’on croyait sous contrôle, normés, figés pour l’éternité, et qui d’un baiser se sentent tout à coup à l’étroit. Matthias et Maxime est un adieu. Un adieu à l’adolescence (qui fait semblant de finir à 30 ans) et qu groupe qu’on a formé pour la traverser en confiance, protégé de l’extérieur par ce cocon d’amitié. Avec Ma vie avec John F. Donovan, Xavier Dolan prenait la tangente, affirmait un propos presque politique et nous submergeait d’émotions contraires. Avec Matthias et Maxime il dit adieu à ceux qui l’ont porté, aidé à grandir, et à devenir un être humain meilleur. Un jeune adulte qui sait ce qu’il doit à son adolescence et qui s’apprête, inévitablement, à traverser la vie différemment. Seul, conscient de celui qu’il est et de ceux à qui il le doit.

Réalisé par Xavier Dolan. Avec Xavier Dolan, Gabriel d’Almeida Freitas, Anne Dorval, … Durée : 1H59. En salles prochainement. CANADA.

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