Alors que l’événement s’ouvre demain soir dans la station balnéaire basque, Patrick Fabre, directeur artistique du festival international du film de Saint-Jean-de-Luz s’est confié sur son travail de programmation et les enjeux artistiques d’un « petit » festival qui prend de l’ampleur chaque année.
Comment s’est passé le travail de programmation en cette année encore un peu particulière ?
Patrick Fabre : Nous avions un avantage moral, c’est celui de l’expérience de l’année dernière puisque nous nous étions dit que nous faisions tout comme si le festival allait avoir lieu, et, par chance, il a eu lieu ! Tout était incertain donc on a fait comme si. Cela a été un vrai coup de bol car à 15 jours près le festival n’aurait pas pu se faire. On est parti cette année avec le même état d’esprit en sachant que tous les festivals seraient dans les starting-blocks et notamment ceux qui n’avaient pas eu lieu en 2020. Et la bagarre était compliquée par le fait que Cannes ait eu lieu en juillet ! Les distributeurs de films avaient bien sûr besoin de cette exposition. Nous avons décidé d’annoncer nos dates, avec une affiche, tôt, six mois avant le festival, puis nous avons fait le tour des distributeurs pour essayer de voir le maximum de films sachant que leurs priorités seraient les gros festivals. Et, après les résultats cannois, nous avons continué à voir des films. Et, côté films français, le festival d’Angoulême est également un gros aspirateur à films ! Tout a été bouclé après Cannes pour boucler la programmation avant le mois d’août.
Et cette programmation fait, comme chaque année, la part belle à une réelle diversité…
Patrick Fabre : J’en suis heureux. Je me suis imposé de ne mettre aucun film « cannois » en compétition car ils avaient déjà bénéficié d’une exposition énorme alors que le marché est vraiment compliqué en ce moment. Avec nos petits moyens, nous avons souhaité mettre en lumière d’autres films même si certains films présentés à Cannes sont montrés hors-compétition. Heureusement, il y a toujours des films qui passent entre les mailles du filet des grands programmateurs et des grandes sélections ou qui ne sont pas prêts à temps. Il y a bien sûr des arguments économiques et de calendrier mais que certains films hésitent entre attendre Berlin en février et venir à Saint-Jean-de-Luz est un élément qui montre que le festival s’est fait sa place dans le circuit.
Et dans la compétition, vous vous retrouvez avec L’Événement d’Audrey Diwan, qui, entre temps à reçu le Lion d’or, la récompense suprême du festival de Venise en septembre dernier !
Patrick Fabre : Les programmateurs de festival se font des listes des films et des auteurs à suivre. J’avais adoré le premier film d’Audrey donc j’attendais le deuxième avec impatience. Cela nous était déjà arrivé avec Jusqu’à la garde de Xavier Legrand qui avait remporté le prix de la mise en scène à Venise et était ensuite venu à Saint-Jean-de-Luz en compétition ! Ce n’était déjà pas rien. La situation peut paraître absurde mais une compétition ce sont des films différents, des jurés différents, une ambiance différente… Et Le Pardon, film iranien de la compétition, a également été primé au festival de Berlin.
Sur place, on se rend compte que le public est nombreux et qu’il fait une belle confiance à votre programmation en achetant des « pass festival » quasiment à l’aveugle !
Patrick Fabre : Cette curiosité et cette confiance je pense que c’est une chose propre aux « petits » festivals, les gens vont d’eux-mêmes voir des films qu’ils ne seraient pas allés voir en dehors d’un festival et c’est vraiment chouette de voir ça.
Est-ce qu’il y a certains films que vous êtes particulièrement fier de montrer aux festivaliers cette année ?
Patrick Fabre : Je suis forcément fier de nos premières comme Sentinelle Sud qui nous permet de retrouver Niels Schneider, Petite leçon d’amour avec Pierre Deladonchamps et Laëtitia Dosch qui seront présents pour cette comédie romantique réjouissante. Je suis également heureux de présenter Une Mère parce que ce n’est pas rien de recevoir une comédienne comme Karin Viard ! Évidemment je suis impatient que tout le monde découvre L’Événement et Le Pardon pour lequel nous accueillerons pour la première fois un réalisateur iranien. Il y aussi quelqu’un que je suis ravi de retrouver au festival, c’est la réalisatrice québécoise Sophie Dupuis qui vient pour la première française de son deuxième long métrage Souterrain et qui avait reçu plusieurs prix pour son premier long métrage Chien de garde. C’est un être humain adorable et je suis très heureux de la recevoir à nouveau, moi qui suis particulièrement attaché au cinéma québécois qui est encore trop peu présenté en France. Nous sommes également très fiers de Rose notre film d’ouverture et des Héroïques notre film de clôture, le premier qui a fait sa première au festival de Locarno et le deuxième présenté hors compétition à Cannes. Je ne pouvais pas rêver de meilleurs films pour l’ouverture et la clôture !
Vous avez choisi un vrai amoureux des acteurs et surtout des actrices pour présider le jury cette année. Pourquoi avez-vous vous proposé cette mission au réalisateur Thierry Klifa ?
Patrick Fabre : Je le connais depuis très longtemps puisque nous avons travaillé ensemble à Studio Magazine et que je l’ai vu démarrer sa carrière de cinéaste. Je l’ai toujours envié, sans jalousie, mais je l’ai toujours vu comme un modèle. Il fait quelque chose de très particulier dans le cinéma français que plus personne ne fait, il me fait penser à des grands comme Téchiné ou Régis Wargnier, des gens qui n’ont pas peur du romanesque et des stars qui sont avant des acteurs. Il représente un souffle qui manque au cinéma français dont le romanesque est parfois un peu étriqué. Et je trouvais sympathique de faire ce clin d’œil de choisir un ancien critique de cinéma l’année où nous lançons le premier jury presse en partenariat avec le syndicat français de la critique de cinéma ! Et, au-delà de ça, Thierry est un gars super !