Chaque samedi, FrenchMania prend le pouls de l’industrie du cinéma français en temps de crise en appelant un professionnel. Aujourd’hui, c’est à Sophie Frilley que nous avons passé un coup de fil. Elle est la directrice générale de TitraFilm, société familiale qui a inventé les sous-titres et propose également des prestations de doublage et de post-production à des producteurs, distributeurs et diffuseurs du monde entier.
Comment les activités de TitraFilm ont-elles pris forme depuis le confinement qui a paralysé une bonne partie du secteur de l’audiovisuel ?
Sophie Frilley : On a la chance d’avoir un service d’innovation qui travaille tout au long de l’année sur nos développements informatiques, sur la sécurité des médias que nous imposent nos clients, donc nous avons pu être ultra réactifs pour redéployer notre production en télétravail quasiment sur toutes les activités de la société. Seuls un ou deux techniciens se rendent dans les locaux de TitraFilm pour recevoir, envoyer et sécuriser les fichiers sur les bureaux distants de ceux qui travaillent depuis chez eux, avec des VPN spécifiques. Nous pouvons poursuivre nos activités de sous-titrages, de création de génériques et, finalement, tout ce que l’on fait de technique au sein de l’entreprise.
Comment la commande a-t-elle évolué ?
Sophie Frilley : Les commandes ont fortement baissé puisque les tournages se sont tous arrêtés et que nous arrivons en règle générale soit en cours de post-production ou après. Les activités qui ont complètement cessé chez nous, et pour lesquelles nous recevons malgré tout des commandes, ce sont celles de doublage qui nécessitent à minima deux ou trois personnes dans un studio et qui ne sont pas compatibles avec les mesures de confinement. Les plateformes nous alimentent de commande de façon très active en commande car elles doivent mettre en ligne tous les contenus déjà tournés. On continue les activités de sous-titrage, de finition de travaux sur du mix, certains enregistrements de voice over avec un seul comédien isolé de l’ingénieur du son en cabine, et dans ces domaines nous avons un accroissement de commandes. En revanche, tous les doublages et synchro qui nécessitent un casting complet de comédiens sont arrêtées.
Les clients de TitraFilm sont présents dans le monde entier, comment se maintiennent les relations professionnelles dans ce contexte ?
Sophie Frilley : Je dirais qu’il y a une grande compréhension et une grande solidarité car tous nos donneurs d’ordres sont logés à la même enseigne. Ils sont majoritairement en Angleterre ou aux États-Unis, notamment en Californie, et sont eux aussi confinés. Ils sont tout à fait conscient de la situation et sont en demande d’innovations techniques pour envisager des doublages à domicile et nous travaillons sur ce sujet pour pouvoir envisager une réponse collective de la part de l’ensemble du métier qui permettrait de conserver le niveau de qualité du doublage français et de préserver la créativité des directeurs artistiques, des comédiens, des monteurs, de tous les intervenants de cette chaîne de travail. Cela nous pousse à être créatifs et il faudra être prêts à se que ce genre de situation se reproduise.
Quelle leçon peut-on tirer à votre niveau de cette crise ?
Sophie Frilley : La bonne communication et la solidarité qui étaient déjà présentes au sein de nos équipes sont d’autant plus appréciables aujourd’hui ! Nous avons déployé une façon de travailler spécifique et les outils digitaux nous permettent d’être tous au même moment reliées les uns aux autres. Cela rationalise le travail et permet à tout le monde de s’écouter car ces outils, on s’en est rendu compte, ne permettent pas de se couper la parole ! J’ai le sentiment que certaines de ces bonnes pratiques vont perdurer et que les sujets de l’innovation et de la sécurité sur lesquels nous étions déjà en pointe seront de plus en plus important à développer.
Et, à titre personnel, comment vivez-vous cette période ?
Sophie Frilley : C’est très contrasté, je me sens complètement en lien avec l’extérieur en étant en contact toute la journée avec mes collègues, nos partenaires en France ou à l’étranger, et les relations se sont encore plus humanisées qu’à l’habitude. En étant confinée chez moi avec deux de mes trois enfants, mes deux filles, quelque chose s’est aussi développé sur le soin que nous nous apportons les uns aux autres. On partage du temps de qualité autour de la cuisine, des jeux de société, des discussions. Et puis on connait beaucoup mieux nos voisins qu’avant ! Applaudir à 20 heures, pensez aux autres, à ceux qui sont touchés par la maladie comme s’est arrivé pour certains ou leur parents dans les équipes de TitraFilm, c’est aussi une bonne façon de ne pas être individualiste ou concentré uniquement sur son propre foyer.