Chaque samedi, FrenchMania prend le pouls de l’industrie du cinéma français en temps de crise en appelant un professionnel. Aujourd’hui, c’est à Chloé Lorenzi que nous avons passé un coup de fil. Attachée de presse (Makna Presse), elle est également cofondatrice et secrétaire du CLAP, le Cercle Libre des Attaché(e)s de Presse de cinéma, qui vient d’être créé.
Comment avez-vous réagi quand tout s’est précipité et que l’industrie du cinéma s’est mise à l’arrêt le 14 mars dernier ?
Chloé Lorenzi : J’étais en pleine promo sur Brooklyn Secret d’Isabel Sandoval. On sentait ce qui allait arriver mais on ne voulait pas y croire. C’est fou comme on ne veut pas croire à ce genre de choses alors que les Italiens qui sont nos voisins le vivaient déjà. Le samedi, quand ils ont annoncé la fermeture des salles, je suis restée bouche bée. J’avais encore des interviews prévues avec Isabel le lundi 16 mars et il y avait une avant-première prévue la veille et tout a été annulé. Le film n’est pas sorti. J’avais aussi Monsieur Deligny et Shellac, le distributeur, a décidé de lancer sa plateforme VOD en avance pour sortir le film sous cette forme en se disant qu’après il pourrait proposer des séances-débats dans les salles. Pour Jane Roger chez JHR, Brooklyn Secret était le film le plus important de l’année et c’est normal qu’elle ait préféré attendre.
Comment travaillez-vous en mode confiné depuis maintenant un mois ? Qu’est-ce qui a changé ?
Chloé Lorenzi : Je continue à m’occuper de sorties VOD avec Shellac qui propose des exclusivités comme The Human Surge d’Edouardo Williams notamment et qui a avancé les sorties VOD des Enfants d’Isadora et de Douze Mille qui étaient sorti cet hiver. Les journalistes et critiques sont beaucoup plus joignables, c’est très agréable que les gens soient disponibles et prêts à voir des films différents.
On a appris au tout début de la crise, la création du CLAP, le Cercle Libre des Attaché(e)s de Presse de cinéma. Comment est née cette initiative ?
Chloé Lorenzi : Il y a avait eu une rencontre des attachés de presse, il y a une dizaine d’années. On s’était tout vus et c’était un peu parti dans tous les sens. Nous sommes tous très différents, entre les très gros attachés de presse de grandes productions commerciales et les indépendants qui travaillent sur des films très pointus, les agences aussi … mais nous n’avions jamais eu le temps de nous en occuper, tellement pris par le rythme de notre métier. Début décembre, nous en avons reparlé à Laurence Granec et l’idée s’est relancée en envoyant un mail à quelques attachés de presse dont nous sommes proches. Début mars, quand les distributeurs ont commencé à déprogrammer des films, on s’est dit qu’il était temps et quand tout a été fermé on a travaillé à créer l’association : Laurence Granec est devenue présidente étant la plus connue et la plus chevronnée, Viviana Andreani a été élue trésorière et moi secrétaire. On est 60 dans l’association et je crois que nous y sommes toutes et tous !
Quel est le but de l’association ? Les premières problématiques sur lesquels vous avez à vous pencher ?
Chloé Lorenzi : La première problématique c’est d’être reconnus et de faire connaître notre métier, puis de se conseiller entre nous et de réfléchir aux évolutions de notre métier et aux pratiques de la presse. Nous devons être acteurs de la façon dont tout cela évolue. A un moment pourquoi pas organiser des rencontres entre le CLAP et le Syndicat de la Critique pour échanger sur les bonnes pratiques ensemble, cela pourrait être vraiment très intéressant ! C’est important d’être reconnus par le CNC comme un acteur de l’industrie et d’être invités dans toutes les tables rondes du métier, et, pourquoi pas dans des jurys de festival ou des commissions. La situation actuelle est compliquée, nombre d’entre nous n’ont plus du tout de revenus et l’annulation des festivals est de très mauvais augure. Et quand on réfléchira au CNC à comment aider les producteurs, les intermittents, il faudra aussi penser à nous. Sur les pratiques notamment, nous sommes dans un métier où tout le monde travaille sans contrat et c’est un risque supplémentaire…
Et, à titre personnel, comment vivez-vous cette période ?
Chloé Lorenzi : Avant hier j’ai croisé une dame du quartier que je connais un peu et elle m’a trouvé très reposée ! Je me repose un peu et je me rends compte qu’on a quand même des vies de dingues ! Je fais beaucoup de yoga et je pense que chacun vit les choses différemment intimement et qu’à presque 50 ans ce n’est pas la même chose qu’à 20 ans. Mais, en fait, je trouve encore les journées trop courtes, il me faudrait deux ans comme ça pour que je commence à m’ennuyer ! Mais les gens me manquent, j’ai envie de les embrasser, de les prendre dans mes bras. Le coup dur, c’est depuis le 16 avril, qui devait être le jour de la conférence de presse de Cannes. J’ai eu, je l’avoue, un petit coup de mou, une petite phase de déprime en me disant que cela va être mon premier mois de mai à Paris depuis 25 ans et puis j’ai de beaux films à défendre !