Les histoires d’A.
Si le film précédent d’Emmanuel Mouret, Mademoiselle de Joncquières, sorti il y a deux ans, pouvait par sa tonalité générale rappeler le roman épistolaire Les Liaisons dangereuses, c’est aux Mille et une nuits que fait penser son nouvel opus. Puisqu’ici aussi on se raconte des histoires qui s’enchainent, s’emboîtent au cœur d’un récit polymorphe et semblent être partagées pour gagner du temps sur une issue inévitable. Mais nous sommes chez Mouret, l’issue est donc amoureuse plus que fatale. Tour à tour Shéhérazade et sultan, Daphné (Camélia Jordana dans la prestation la plus aboutie de sa jeune carrière de comédienne) et Maxime (Niels Schneider dont on découvre des nuances nouvelles à chaque film) font connaissance à la campagne. François (Vincent Macaigne, charmant et rarement vu aussi solide), mari de la première qui porte son enfant et cousin confiant du second, les a laissé faire connaissance retenu par des obligations professionnelles.
Daphné et Maxime vont se découvrir un goût commun pour la conversation intime et se raconter leurs histoires de cœur et de cul avec la liberté qu’on ne peut prendre que face à un(e) inconnu(e). Ils vont se confier comme s’il n’y avait pas d’enjeu avant de s’apercevoir, au gré de leurs échanges, qu’ils construisent eux-mêmes leur histoire commune. Les mots sont beaux et tellement vivants qu’ils entraînent l’action, les scènes de reconstitution, la vie des autres personnages qu’ils évoquent, leurs amours, leurs amants, leurs emmerdes et leurs élans.
Emmanuel Mouret parvient une fois de plus à réaliser un film d’une simplicité formelle imparable et à mettre en scène la complexité des sentiments amoureux tout en ménageant un véritable suspense, une attente. Les mots, les regards et les souvenirs forment un kaléidoscope inédit des liens qui se tissent entre les êtres, des amours et des amitiés, des désirs et des trahisons, des élans et des mesquineries du quotidien et c’est, à tout instant, passionnant. Le film doit autant à l’intelligence du verbe et au sens du romanesque du réalisateur qu’à la précision implacable de sa mise en scène et de sa direction d’acteurs. Signalons dans les seconds rôles, les apparitions au diapason des extraordinaires Emilie Dequenne, Guillaume Gouix, Jenna Thiam, Jean-Baptiste Anoumon et Julie Piaton. Chacun joue sa partition avec une justesse infinie dans cette valse des sentiments et des ressentiments qu’orchestre à merveille Mouret.
Réalisé par Emmanuel Mouret. Avec Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne … Durée : 2H02. En salles le 16 septembre 2020. FRANCE