OVNI(s), nouvelle série réalisée par Antony Cordier pour Canal +, nous embarque dans la France de 1978 avec beaucoup de tendresse et de fantaisie. Une comédie très réussie, d’autant plus « martienne » qu’elle consacre Melvil Poupaud en acteur burlesque. Explications enjouées avec cet enfant des 70’s…
L’intrigue d’Ovni(s) se déroule en 1978. Vous êtes né dans les années 70 : quels souvenirs gardez-vous de cette époque, si loin, si proche ? Et, surtout, que pensez-vous du regard porté sur elle dans la série ?
Melvil Poupaud : Je suis né en 1973, donc j’en garde quelques vagues souvenirs d’enfance. Je me souviens notamment du look des gens, du vent de liberté qui soufflait encore, de cette atmosphère de fête un peu insouciante. Mais cela vient peut-être du fait que ma mère était attachée de presse dans le milieu artistique. C’était particulier. Il me semble, en tout cas, qu’il y avait plus de facilité, alors, pour faire des films, pour créer des choses. La série est intéressante pour ça d’ailleurs, pour son effet miroir avec 2020. Pas seulement pour ça, bien sûr, mais quand même ! Elle distille quelque chose de léger, de moins agressif. Antony Cordier, le réalisateur, y tenait beaucoup : il voulait créer comme une bulle d’air !
Cette légèreté ne vient-elle pas, aussi, des personnages et de leur énergie, souvent naïve, sincère, presque enfantine ?
Melvil Poupaud : Oui, tout à fait. Je pense que cela vient de l’écriture et du tempérament des deux auteurs d’OVNI(s), Clémence Dargent et Martin Douaire, mais encore d’Antony qui a souhaité adopter un ton doux, bienveillant et jouer plutôt sur l’aspect loufoque. Moi j’adore les enfants, donc cela me touche beaucoup. De fait, ces personnages viennent d’un autre monde, ils ont une vraie singularité, ce sont des Ovnis à leur façon ! C’est cela que raconte la série. D’ailleurs, si elle est réussie, c’est parce qu’elle n’est jamais moqueuse, jamais à charge vis-à-vis d’eux. Elle diffuse une grande ouverture d’esprit.
Le duo que vous formez avec Géraldine Pailhas, qui joue votre ex-femme, est très plaisant, complice, joueur, plein d’allant. On pense aux couples légendaires autour desquels se sont forgées les fameuses « screwball comedies » des années 30 et 40 à Hollywood. Vous en êtes-vous inspiré ?
Melvil Poupaud : On n’en a pas parlé au départ, ni avec les auteurs ni avec Antony. Mais j’y ai tout de suite pensé avec Géraldine. Didier, mon personnage et Elise, le sien, se connaissent bien. Ils s’aiment encore même s’ils sont divorcés, un humour sous-jacent les relie. Tous les ingrédients sont là. J’ai revu il n’y a pas très longtemps La Dame du vendredi d’Howard Hawks (avec Cary Grant et Rosalind Russell), c’est exactement ce rythme-là dont j’avais envie pour mon personnage, cette rapidité, ce travail sur le corps, ces mimiques. Je voulais que Didier soit très mobile et que ses émotions soient très changeantes. C’est un ingénieur spatial, un scientifique, cartésien, sûr de lui, mais qui est prêt à tout remettre en question en un instant.
On pourrait même aller jusqu’à dire qu’OVNI(s) raconte l’histoire d’un homme qui apprend à douter, non ?
Melvil Poupaud : Exactement. Cela à plein de niveaux, personnels et professionnels, qui ne sont jamais loin. Oui, Didier fait un très beau parcours, l’arche de ce personnage est vraiment bien construite je trouve, on s‘attache assez vite à lui. Tellement… que j’ai hâte de lire la suite pour savoir ce qu’il devient. Le tournage de la saison 2 démarre en avril prochain, je suis ravi !
Vous n’avez pas l’impression qu’à travers le parcours de Didier se disent aussi des choses sur l’évolution du masculin et du féminin dans la France de ces années-là ?
Melvil Poupaud : C’est sûr que l’on se posait moins de questions sur les genres, dans les années 70 ! Raison pour laquelle j’ai voulu que Didier porte une moustache et un costard moulant façon Burt Reynolds. Il n’a pas peur du ridicule Didier, mais moi non plus en tant qu’acteur ! L’idée, c’était d’installer, justement, cette image virile, très années 70, très datée, un peu kitsch, pour mieux révéler, peu à peu, sa fragilité. Au travers de cette époque, totalement révolue, on voit que plein de choses ont changé depuis.
Comme son titre l’indique, OVNI(s) parle aussi d’extraterrestres et de soucoupes volantes, des phénomènes qui ont défrayé la chronique à l’époque, à la télé comme au cinéma. Et vous, quel est votre rapport à tout ça ?
Melvil Poupaud : Il y a bien quelques films sur ce sujet qui m’ont plu, mais je ne suis pas un expert, du tout ! En revanche, les auteurs de la série, se sont vachement documentés. Grâce à eux, j’ai découvert pas mal de choses. Notamment que les extraterrestres d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux des années 70 ou ceux des années 40. Cela veut dire que les peurs changent, évoluent ou… reviennent. Quand Clémence Dargent et Martin Douaire ont initié leur projet, plus personne ne s’intéressait aux extraterrestres. Et puis la pandémie et la crise sanitaire mondiale ont surgi et, comme par hasard, le sujet est revenu sur le devant de la scène. Avec les thèses complotistes, etc. De fait, les gens paniquent, ils ont besoin de se raccrocher, de trouver un sens à tout ce bordel. Hier comme aujourd’hui.
Question bonus, pour finir sur une note enjouée : la B.O. d’OVNI(s), signée Thylacine, est un doux mélange de clins d’œil aux années 70 et de sons actuels. Une belle réussite. Vous êtes musicien vous-même : qu’en avez-vous pensé ?
Melvil Poupaud : D’abord, il ne faut pas oublier que c’est assez casse-gueule, la musique sur une série ! 12 h de B.O., au minimum vu le nombre moyen des épisodes, ça décuple le travail… Aussi, lorsqu’Antony m’a parlé de Thylacine, un compositeur qu’il connait bien, j’ai eu un léger doute : « t’es sûr ? Un artiste électro ? C’est pas un peu facile ? ». Il m’a tout de suite rassuré : « non, non, tu vas voir, il va aussi trouver les clins d’œil cinéphiles idoines, les jingles de l’époque, etc. ». Et en effet, ce musicien a fait un vrai travail de nerd : il est allé chercher des sons de l’époque, les a mixés avec sa propre compo électro, tout en disséminant des clins d’œil à François de Roubaix, aux films de Pierre Richard ou à Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, avec son thème sifflé composé par Pierre Bachelet. On oublie complètement qu’on est dans une reconstitution !
Ovni(s), une série écrite par Clémence Dargent et Martin Douaire, et réalisée par Antony Cordier. Saison 1, 12 épisodes de 30 mn, à partir du 11 janvier 2021 sur Canal +.