Son dernier long métrage, Une Dernière fois avec Brigitte Lahaie, est diffusé samedi soir en séance virtuelle sur le site de la 25ème heure, dans le cadre d’une programmation concoctée pour la Saint-Valentin dans la salle virtuelle du “Beverly” qui fut le dernier cinéma porno parisien. Rencontre avec une réalisatrice qui fait partie de ces quelques femmes bien décidées depuis quelques années à révolutionner le cinéma porno français.
Comment en tant que femme, en tant que féministe, on s’intéresse à la pornographie ?
Olympe de G. : On est confronté à des images dans lesquelles on ne se retrouvent pas et j’ai eu l’impression qu’il n’existait pas de représentations d’une sexualité dans laquelle je me retrouvais. Quand je regardais des vidéos porno quand j’étais très jeune, vers 19 ans, pour m’éduquer en quelque sorte, je me rendais compte que cela m’apportait surtout de l’anxiété liée à une notion de performance. J’avais l’impression que je n’en serais jamais capable, que mon corps ne correspondait pas aux modèles. Cela s’est ancré en moi et j’ai eu l’envie de représenter les choses différemment.
Pourquoi la recherche esthétique a-t-elle quitté le monde du porno ?
Olympe de G. : On vit l’ubérisation du porno avec des vidéos qui ont des optiques commerciales et qui sont tournées dans des conditions horribles. Le documentaire d’Ovidie, Pornocratie (2017, NDLR), montre ça très bien. J’ai quand même l’impression qu’il y a un revival, notamment aux États-Unis, de longs métrages de qualité réalisées par des femmes. Je sens une envie de remettre le porno à l’honneur en tant que genre cinématographique, malheureusement ce n’est pas ce qu’on voit le plus sur les plateformes !
Il y a une réelle avancée sur la prise en compte du regard féminin dans la création cinématographique, cela va-t-il dans le sens de votre réflexion sur la représentation du sexe ?
Olympe de G. : Cela m’interroge beaucoup et je crois qu’avant de lire, par exemple, le livre d’Iris Brey (Le Regard féminin, Lire notre entretien avec Iris Brey, NDLR), j’avais une vision un peu basique. Je pensais que mon regard individuel en tant que femme était à la base de ma démarche. Je pense que j’ai quand même une vision objectifiante des corps masculins, du coup, selon sa vision, je pratiquerais une espèce de « male gaze » à leur endroit. Mais je n’ai pas envie d’appeler ça un « male gaze », je vois plutôt ça comme mon « female gaze » à moi. Sur Une Dernière fois, on est vraiment dans un « female gaze » quand je filme Salomé (Brigitte Lahaie, NDLR), on est avec elle, pas dans un plaisir de voyeur, alors qu’on est dans un plaisir voyeuriste quand un corps masculin apparait. Et j’aime beaucoup ce plaisir voyeuriste sur les corps masculins parce qu’il répond à une vacance, à un manque. Des références de femmes qui filment les hommes et les prennent en photo, il n’y en a pas tant que ça. Donc ça m’intéresse.
Quel est votre regard sur l’économie particulière de ce milieu ?
Olympe de G. : Mes courts ont été produits par Erika Lust (pionnière suédoise du porno féministe, NDLR) qui, elle, roule sur l’or ! De mon côté, je me noie un peu car la marque « Olympe de G. » est devenue un travail à temps plein mais que je suis obligée d’avoir un emploi pour vivre, je ne sais pas comment j’y arrive encore. J’espère faire cette transition professionnelle bientôt. Une Dernière fois doit beaucoup à un financement participatif, c’est un processus émouvant et sain que de voir des gens financent le cinéma qu’ils ont envie de voir. L’idée c’est d’étendre cette communauté pour continuer car je n’ai pas droit aux financements classiques et aux aides dédiées au cinéma français. Le film a été préacheté par Canal+, qui est la seule chaîne ayant encore une case dédiée, le premier samedi du mois. Le « business model » reste compliqué.
Y-a-t-il un le cahier des charges pour répondre aux attentes de la chaîne ?
Olympe de G. : Oui ! Capotes pour les pénétrations, pas de personnes en uniforme, pas de violence, pas d’échange d’argent, pas d’alcool ou de stupéfiants. Donc impossible de faire un polar porno ! Pas non plus de BDSM, ni d’homosexualité masculine mais il faut absolument qu’il y ait une scène de pénétration d’un pénis qu’elle soit vaginale ou anale.
Comment est née l’idée d’Une Dernière fois ?
Olympe de G. : Dans la plupart de mes films, j’essaie d’apporter des perspectives nouvelles. Quand j’ai rencontré Canal+ pour ce projet, ils m’ont parlé de ce qui fonctionnait à l’antenne, notamment les femmes matures. Je me suis rendue compte que cela m’intéressait de traiter de l’âgisme et cette idée de « dernière fois » est née comme ça. Cela permet de parler de comment rester en contrôle de son corps en tant que femme et qu’être humain.
Comment avez-vous convaincu Brigitte Lahaie ?
Olympe de G. : Quand je l’ai contactée, je ne savais pas qu’elle était militante à l’ADMD, l’association pour le droit à mourir dans la dignité. Donc le sujet a parfaitement résonné en elle. Elle avait hyper envie de faire le film et elle en est très heureuse. Ce qui a motivé Brigitte Lahaie, c’est qu’elle voulait aider les femmes de son âge à se sentir bien dans leur corps.
Une Dernière fois est à retrouver en séance virtuelle samedi 13 février à 23h10 sur le site de la 25ème heure.