À la recherche d’une main tenue
Un verre brisé, un sursaut, un dîner en amoureux manqué, une ambulance dans la nuit, un orage et une pluie diluvienne… Comme dans un prologue, l’ouverture de Revoir Paris installe une atmosphère pesante pour amener progressivement le drame dont son héroïne va être victime. On pardonnera facilement à Alice Winocour ces petites facilités de mise en scène tant ces images préparent l’enchaînement de hasards jusqu’à la tragédie. Ils conduisent Mia à se réfugier dans une brasserie, lieu d’un attentat auquel on assistera à sa hauteur, à travers son regard, allongée sur le sol entre les morts n’apercevant des terroristes que leurs pieds. De l’attentat de Revoir Paris, on ne saura rien, excepté les réminiscences collectives qui nous lient à cette réalité vécue il y a quelques années. Le cœur de ce quatrième long métrage sonde l’après. Trois mois plus tard, Mia n’a que très peu de souvenirs de cette nuit-là, si ce n’est des bruits, des flashs, des sensations que l’impeccable travail du son accompagne organiquement. Toujours droite en blouson de motarde et cheveux noués en queue-de-cheval, Virginie Efira est la parfaite héroïne des films de Winocour, cette femme marquée qui ne se morfond jamais. Recomposer sa mémoire s’impose à elle pour se maintenir en vie, là où reprendre le quotidien avec son compagnon (Grégoire Colin) lui parait impossible. En empruntant le chemin de cette résilience comme une enquête, ses pas vont la guider vers une association qui réunit des survivants dans cette brasserie parisienne. Ils s’y rendent pour recomposer les images, reconstituer les faits, déconstruire pour mieux reconstruire le post-traumatisme. Thomas, (Benoit Magimel d’une sublime assurance calme) lui, est blessé physiquement, mais est psychologiquement incapable de rentrer dans cette salle du restaurant. Il n’a rien oublié de cette soirée, ni les coups de feu, ni Mia seule à sa table. Unis dans leurs blessures, les deux êtres vont naturellement se rapprocher. Entre les fantômes croisés dans ces ressouvenances, peu à peu, la perception d’une main tenue très fort pendant l’assaut va surgir dans l’esprit de Mia, sûrement celle d’un cuisinier sans-papiers. C’est là toute la grâce du film, passer de l’intime au collectif, de l’individu à la ville. La quête mémorielle pour retrouver celui qui l’a soutenue, va guider Mia à appréhender la capitale, à revoir Paris tel qu’elle est, un autre personnage blessé. En arpentant la capitale cosmopolite de Stalingrad à la Tour Eiffel, Mia se mêle au Paris des invisibles, des sans-papiers travaillant dans les cuisines ou ignorés des passants. Et si les traces commémoratives de l’attentat sont vite balayées de la place de la République, il reste les liens entre les êtres, une forme d’espoir du collectif, aussi simple que des mains serrées, ou que cette étreinte sur l’affiche unissant les cœurs meurtris, pour continuer d’avancer dans la vie, ensemble.
Réalisé et écrit par Alice Winocour avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin et Amadou Mbow… France – 1h45 – En salles le 7 septembre 2022 – Pathé Distribution