Charlotte en vingt rendez-vous
Charlotte (Sandrine Kiberlain) a très envie de faire l’amour avec Simon (Vincent Macaigne), mais Simon hésite : il a des remords, il n’a jamais encore trompé sa femme. Voilà le point de départ amusant de Chronique d’une liaison passagère, nouvelle comédie galante d’Emmanuel Mouret où les personnages, contrairement à ceux de Marivaux, préfèrent volontiers badiner avec l’amour. Ils ont la quarantaine et chacun des enfants de leurs côtés, ils courent ensemble après la légèreté et le plaisir, ils s’engagent à ne pas s’engager, mais les sentiments naissent à mesure des rendez-vous pris sur le pouce. Toute la magie du film repose justement sur cette série de rendez-vous, diurnes ou nocturnes, dans des bars, des parcs, des appartements, des musées, des terrains de tennis couverts, des salles de cinéma. Des décors qui rappellent sans équivoque ceux d’Annie Hall et Manhattan de Woody Allen et où résonnent les mêmes bavardages et thèmes : l’amour, le sexe, la raison, la passion, le libertinage. Mais Mouret prend d’autres chemins pour raconter cette histoire vieille comme le monde, il imagine d’autres schémas et nous mène d’aventure en aventure. Chez lui, les mots n’ont pas un pouvoir névrotique, mais érotique. Ils mettent du piment et du relief partout, ils entrainent les gestes, les caresses, les baisers et les plans séquences. Il fallait donc des interprètes à la hauteur du texte et de la chorégraphie, et on ne pouvait pas rêver mieux que Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne pour en délivrer toutes les nuances et les subtilités. Leur duo est aussi émouvant qu’attachant, mais c’est bien Sandrine Kiberlain et son personnage, audacieux et entreprenant, qui donnent le tempo du film, entre allegro et moderato. Le personnage de Simon, quant à lui, suit le mouvement de Charlotte, il adopte son rythme, et son coeur bat de plus en plus vite (mais trop poli, il n’en dira rien). Les films de Mouret ont toujours eu beaucoup de charme (Un baiser s’il vous plait, Caprices, Les Choses qu’on dit les choses qu’on fait), mais cette chronique sentimentale-là a quelque chose en plus, un réjouissant twist notamment. “Je suis sensible aux infusions” dit Simon, tandis que toutes les émotions infusent dans ce film délicat, drôle et chagrin qui révise, l’air de rien, les codes de la comédie romantique et ses représentations ordinaires ou stéréotypées. Le style Mouret, une fois de plus, fait mouche, ses portraits croisés sont séduisants, et le terrain de jeu qu’il met en place pour ses acteurs et leurs personnages, honnêtes et philosophes, nous enchante. Une vraie réussite.
Réalisé par Emmanuel Mouret, avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Maxence Tual, Georgia Scalliet … Durée : 1H40. En salles le 14 septembre 2022.