Une autre mère
Rachel vit avec un homme séparé de son épouse et qui s’occupe régulièrement de leur petite fille de cinq ans. Une mère de seconde main. Une femme cherchant à trouver où se poser dans cette relation fusionnelle entre un père et son enfant. Tâche d’autant plus compliquée quand on se prend d’une affection grandissante pour ce dernier. Dans cette fiction, née on s’en doute d’une expérience personnelle, l’autrice de Belle épine (2010) et de Une fille facile (2019) aborde avec infiniment de subtilité et de délicatesse le thème des familles recomposées ainsi que celui de l’instinct maternel qui n’a pas besoin de la biologie pour exister. Ce pourrait être un drame réfugié dans les facilités psychologiques imposées par un cinéma qui aime les scénarii basiquement sociologiques. Mais Les Enfants des autres est tout sauf un film débat de société. Les problématiques soulevées sont de l’ordre de l’intime. Du non-dit. Rachel aime un homme et sa fillette alors que, peu à peu, tout semble fragiliser sa place dans ce cadre familial dont elle force parfois les bords pour s’y maintenir. Et où, jour après jour, elle se débat en silence avec ses incertitudes. Avec ses doutes grandissants. Alors pour éviter qu’ils ne l’entraînent et ne la fassent sombrer, Rachel est toujours en mouvement. Entamant avec la réalité de faits cruels (elle n’est pas la mère naturelle, elle-même n’aura sans doute jamais d’enfant…) un pas de deux en forme de fuite impuissante et perdue d’avance. La mise en scène de Rebecca Zlotowski est à ses côtés, embrassant avec une fluidité essoufflée cette course accidentée et solitaire. Le dialogue n’a rien besoin d’expliciter et la dramaturgie n’a pas besoin de surligner les rouages de l’histoire. C’est une caméra complice et mélancolique qui scrute l’affliction silencieuse de son héroïne campée par une Virginie Efira au bord de la chute, admirable de retenue. Metteuse en scène et comédienne, en adéquation parfaite, vont ensemble au bout de cette douleur de vie mais également de son apaisement. Et c’est superbe.
Ecrit et réalisé par Rebecca Zlotowski, avec Virginie Efira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, Yamée Couture… – 1h43 – France – En salles le 21 septembre 2022 – Ad Vitam