Portrait de famille
La comédie française, appellation fourre-tout mais rarement contrôlée, nous donne trop rarement de bonnes nouvelles pour que nous ne saluions pas ici les belles réussites qu’elle est encore capable de produire. C’est ici le cas avec le deuxième film d’un jeune metteur en scène, Nathan Ambrosioni, qui signait il y a quatre ans Les Drapeaux de papier, joli premier essai riche en émotions qui déployait une belle maitrise de la mise en scène. On retrouve encore décuplées ces qualités dans cette comédie familiale qui ressemble terriblement à la capillarité ébouriffée de son auteur de 24 ans. Un film au présent, point de jonctions entre passé aux rêves en berne et futur incertain. Un film se jetant (et nous avec) tête la première dans la masse farfelue et mouvementée d’une fratrie composé de cinq enfants et ados aussi dissemblables que possible. Le tout chapeauté comme elle le peut par leur mère Toni, autrefois star éphémère d’une émission de télé-crochet, désormais femme célibataire qui aimerait reprendre des études pour ne plus subir les adversités de son quotidien.
Une fiction enjouée, débordante, excessive mais jamais dans l’excès, attestant des nombreuses qualités d’écriture de Nathan Ambrosioni. Entre celle qui rêve de partir pour ses études ou le jeune blogueur qui va voir son coming-out mis en pièces par ses proches, tous les personnages existent, sans que le scénario ne cherche à les expliciter individuellement. La première force de Toni en famille, c’est d’écrire et accompagner ses protagonistes à travers leurs interactions. Ce qui n’empêche nullement d’évoquer leur solitude et leur désarroi avec, en point d’ancrage parfois chaotique, cette famille bigarrée. On peut supputer que certains traits de caractères et chemins de vie font écho à ceux de l’auteur-réalisateur, mais il ne sacrifie aucun de ses héros et héroïnes sur l’autel d’un film autocentré. Sa mise en scène (montage et cadrage nerveux, tout en proximité et douceur) parachève sa générosité, son empathie et son sens du détail cocasse et inattendu. Relevant au passage le défi de deux difficultés considérées comme majeures au cinéma (des enfants et des scènes
de repas), il communique toute son énergie faussement brouillonne mais en réalité parfaitement huilée dans cette comédie hirsute au foutoir si revigorant. Sans oublier sa direction d’acteurs et d’actrices. Les jeunes sont bouleversants d’authenticité (de même que leurs dialogues à la justesse contemporaine époustouflante) et Camille Cottin déploie ici une gamme bariolée de nuances. Une richesse de jeu dont on la soupçonnait tout à fait capable mais qu’elle avait si rarement eu l’occasion de mettre en avant jusqu’alors. Ne boudez surtout pas cette bourrasque de plaisir de la rentrée !
Un film écrit et réalisé par Nathan Ambrosioni, avec Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria… 1h36 – France – Studio Canal