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Locarno 77 : Figures libres

par | 21 Août 2024 | CINEMA

Comme à son habitude le festival estival suisse a proposé une palette singulière et passionnante de la production cinématographique mondiale. En quelques jours d’exploration des propositions françaises et francophones nombreuses, FrenchMania vous propose ses trois coups de cœur à découvrir très bientôt en salles. Trois films qui jouent avec les frontières entre fiction et documentaire en créant des narrations originales et bouleversantes, trois figures libres…

Avec Ecoutez le battement de nos images, leur court métrage documentaire nommé aux César en 2023, Maxime Jean-Baptiste et sa sœur Audrey exhumait des images de l’aménagement du site de lancement spatial de Kourou sur leurs terres guyanaises. Pour son premier long en solo, Kouté Vwa, Maxime Jean-Baptiste propose une fois de plus d’écouter des battements. Ceux des cœurs d’une mère endeuillée et de son petit-fils venu auprès d’elle pour les vacances, ceux des tourments des proches qui restent 10 ans après un tragique assassinat, ceux des percussions qui donnent le rythme des parades du carnaval. Au cœur de cette histoire familiale, il tisse des liens, créant un fil narratif singulier et puissant, laisse la parole se libérer, et observe la vie qui continue sur cette terre lointaine et si proche. Sublimé par une direction photo remarquable, cet échange constant qui tient lieu de fil rouge entre Nicole, mère du jeune homme assassiné (et tante du réalisateur) et Melrick, son petit-fils ado francilien, est à l’image du film : juste, pudique, tendre et puissant.
Autre voyage, autre destination. Avec la complicité (et la caméra) du réalisateur belge Fabrice Du Welz, Béatrice Dalle part sur les routes italiennes à la recherche d’un des hommes (morts) de sa vie : Pasolini. Accompagnée de l’érudit comédien, passeur et traducteur Clément Roussel, l’actrice saisit par sa franchise, son franc-parler, sa curiosité et le lien puissant qu’elle a construit avec le cinéaste italien. La Passion selon Béatrice éclaire avec son noir et blanc le rapport quasi mystique entre une artiste et son idole, la rencontre entre deux icônes. Ce long plan fixe sur Béatrice Dalle pleurant à chaudes larmes dans une salle de projection devant L’Evangile selon Saint-Matthieu est sublime et émouvant et pourrait justifier à lui seul le projet, pourtant passionnant de bout en bout. La rencontre finale, silencieuse et évidente, foudroie.
Dernier arrêt : Monaco. Avec Cent mille milliards, Virgil Vernier poursuit ses obsessions : les territoires inclassables et mythiques (Monte-Carlo succède à Andore ou Sophia Antipolis) et les destins hors-normes qui habitent ces cités qui oscillent entre douceur criarde du kitsch et beauté atypique et singulière. Ici c’est un jeune escort arabe bi et gros fumeur de weed qui est au centre de l’(in)action. Une fois ses consœurs/collocs parties pour les fêtes de fin d’année à Dubaï (un prochain film ?), Afine, 18 ans, va donc « escorter » une jeune serbe, Vesna, assignée à résidence dans une énorme villa pour « baby-sitter » une jeune ado, fille de mystérieux milliardaires d’origine chinoise. Au gré des scènes et des ouvertures de fenêtres en papier d’un calendrier de l’Avent, le film propose une anti narration qui questionne plutôt les énergies que créent les rencontres, les relations et interdépendances auxquelles chacun.e se confronte volontairement ou non ? On n’est pas dépaysé chez Virgil Vernier qui, sans tout à fait faire le même film à chaque fois, s’impose des figures (les lieux, l’argent, la solitude, les liens) pour être chaque fois plus libre ou surprenant.

Kouté Vwar a reçu le Prix spécial du Jury – Ciné+ (Concorso Cineasti del Presente) ainsi qu’une mention spéciale du jury “First Features”, il est en attente de distribution en salles, La Passion selon Béatrice devrait être en salles fin novembre chez Carlotta et UFO a daté la sortie de Cent mille milliards au 4 décembre.

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