Les codétenues
Dans son film précédent, Bowling Saturne (2022), Patricia Mazuy se glissait dans les profondeurs de la contamination héréditaire du mâle et d’une société patriarcale malade, engendrant violeurs et meurtriers. Amusant de retrouver en ouverture de La Prisonnière de Bordeaux, présenté à la Quinzaine des cinéastes, Achille Reggiani, le héros infâme de Bowling Saturne, dans une très courte apparition en fleuriste. Comme s’il passait par ce bouquet le relais à Isabelle Huppert, pour permuter de la noirceur masculine à une rencontre lumineuse entre deux femmes. Son personnage, Alma, dont le visage d’abord caché puis flouté nous apparait progressivement, est une bourgeoise vivant seule dans une immense maison. En rendant visite à son mari emprisonné pour avoir ôté la vie d’autrui dans un accident de voiture, elle fait la rencontre amusée de Mina (magnétique Hafsia Herzi). Autre vie, autre milieu social. Ce deux femmes de parloirs, dont les vies opposées sont rythmées par ces mêmes visites régulières, vont s’apprivoiser et laisser naitre une amitié improbable. Rapidement, Alma propose à Mina, qui vit loin, en banlieue de Narbonne avec ses deux enfants, de s’installer dans sa grande maison vide. Devenues codétenues, comme elles aiment à le répéter, les deux femmes, menteuses hors pair, vont se servir l’une de l’autre pour se libérer de leurs prisons respectives. Mazuy fait se rencontrer ici deux cinémas incarnés dans le corps de deux immenses comédiennes, l’une fantasque et l’autre taiseuse, pour un duo explosif et un véritable plaisir de jeu.
Réalisé par Patricia Mazuy. Avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi… France – Les Films du Losange – 1h48 – En salles le 28 août 2024.