Amours de popstars
« Toi et moi on baisera le patriarcat ». Tout un programme romantico-politique que nous présente enfin Alexis Langlois dans son premier long métrage, Les Reines du drame, sélectionné à La Semaine de la critique en mai dernier, et on en attendait pas moins d’elle pour offrir à ses personnages queers une grande histoire d’amour romanesque intemporelle. Cette princesse cinéaste régnant sur le beau et le trash, digne héritière de John Walters et Fassbinder rendait déjà hommage aux queers, aux personnes hors normes et oubliées depuis quelques années à travers la demi-douzaine de courts métrages marquants qu’elle a réalisé tels que Fanfreluches et idées noires ou Les Démons de Dorothy. Avec Les Reines du drame, Langlois précise son univers artistique et sublime généreusement les excès et le kitsch des années 2000 en transcendant le queer dans son essence et toute son imagerie. Son premier long, elle en fait une tragédie amoureuse avec un grand « A », celle d’une « crasseuse » et d’une « bourgeoise » soit l’underground punk Billie Kohler (Gio Ventura) et la reine de la pop mainstream Mimi Madamour (Louiza Aura). Cette passion destructrice sur cinquante ans est narrée par un vieux youtubeur botoxé en provenance du futur (2055), groupie des premières heures de Mimi Madamour, Steevyshady (Bilal Hassani, au sommet) comme un conte ancestral des Mille et une nuits. Il revient sur les premiers émois brûlants de 2005 quand les deux apprenties chanteuses se rencontrent – coup de foudre ! – lors d’un “talent show” style Popstars, « Starlettes en herbe », animé par deux de ses actrices fétiches, les géniales Raya Martigny et Dustin Muchuvitz. En déplaçant cette histoire, inspirée d’une romance vécue, dans l’industrie de la musique, la réalisatrice fait de son film une véritable comédie musicale s’entourant d’autrices-compositrices-interprètes comme Yelle et Rebeka Warrior. Tout l’art de Langlois et de mixer brillamment les formes et les références. Hommage aux divas du débtu du XXIème siècle, bien entendu, de Britney Spears à Mylène Farmer, à la télévision et à YouTube, à la culture clip, ses Reines du drame ne renient pas leurs classiques cinéphiles de Sunset Boulevard de Wilder à Phantom of the Paradise de De Palma au modèle de tragi-comédie musicale baroque : All that jazz de Bob Fosse. La cinéaste les digère gloutonnement pour les insérer dans sa galaxie hantée, inventive et maitrisée et dans laquelle elle n’hésite pas en faire des caisses autant dans l’humour et dans la provoc que dans le drame. Rassembleur, généreux et épique, Les Reines du drame va faire date avec ces répliques et chansons déjà cultes, son ode à la communauté queer qui pousse à combattre ensemble l’hétéronormativité dans une grande cérémonie glam. Jouissif, donc !
Écrit et réalisé par Alexis Langlois. Avec Louiza Aura, Gio Ventura, Bilal Hassani, Asia Argento… 1h55. Bac Films. En salles le 27 novembre 2024.