Aux commandes de son premier long métrage après quelques courts cultes, Alexis Langlois réjouit avec cette comédie musicale pop et queer qui brasse les influences mais dessine son propre sillage : celui d’un cinéma français moderne, lyrique et drôle qui ne s’excuse jamais. Les Reines du drame est une comédie romantique qui durerait le temps d’une vie et qui met à l’honneur celles et ceux que la société (et le cinéma) invisibilise trop souvent…
Réaliser un long métrage queer avec des personnages si originaux et rares, est-ce que cela a été un parcours du combattant ?
Alexis Langlois : En fait, c’est même au-delà de ces questions. Il y a d’autres enjeux, l’enjeu du marché, celui d’avoir un peu d’argent pour essayer de faire les choses bien et de bien payer les gens aussi. Et c’est vrai que travailler avec des personnes queers, souvent précaires, cela nécessite d’être précis sur ces aspects. C’est super de faire des choses en troupe, mais quand on s’investit sur des projets, je pense qu’on doit être vraiment rémunérés au mieux. Le fait d’avoir fait des courts métrages cela a facilité plein de choses. On a, notamment, trouvé un distributeur extrêmement vite. On a même eu le choix avec Inès ma productrice, ce qui est assez fou pour un premier long donc on a été quand même très chanceuses. Moi, je suis extrêmement reconnaissante envers Bac Films qui a soutenu le projet dès l’une des premières versions du scénario et qui, surtout, nous ont laissé faire le film comme on voulait sans nous imposer des têtes d’affiches. Nous avons eu l’aide du CNC « Film de genre » sur le thème de la comédie romantique. On a un peu cru que tout allait bien se passer, et puis après ça, ça a été un peu l’hécatombe, après on s’est un peu retrouvés à nouveau face aux retours que j’avais pu avoir sur mes courts… Il y a ceux qui n’aimaient pas les courts, mais on a eu des alliés grâce aux courts métrages, grâce au fait que les gens pouvaient voir aussi que je pouvais fédérer des gens, qu’il y allait avoir un ton qui pouvait plaire, une esthétique originale…
Justement, ce ton-là, cette esthétique-là, comment les définissez-vous ?
Alexis Langlois : Moi, je dirais que ce n’est pas un cinéma qui est voyant, et pas que flamboyant, on mélange les genres entre comédie et drame, je dirais que c’est un cinéma du mélange qui me ressemble. D’ailleurs le film essaye de créer du lien entre plein de choses qui a priori n’en ont pas et moi c’est un cinéma que j’aime et qui me semble populaire. J’aime l’idée que ça soit un film que tout le monde, quand même, peut regarder même si je sais que dans l’absolu, ce n’est pas vrai ! Il y a quand même de l’émotion, c’était très important de faire une vraie histoire queer mélodramatique grâce à laquelle on est ému, et notamment du fait que ces personnages, on les empêche de s’aimer.
Et il a fallu aussi gérer tout l’aspect comédie musicale du film…
Alexis Langlois : C’est vrai que je savais que le film allait évoluer, qu’il allait suivre l’évolution des personnages à travers la musique, des motifs, presque d’une manière expressionniste. Et, pour ça, je savais qu’il fallait qu’on travaille avec des compositeur.istes qui viennent d’horizons différents pour vraiment être le plus sincère possible, il fallait pas faire pastiche et montrer ce qui les sépare parce que le film les empêche de s’aimer parce qu’elles sont différentes, qu’elles viennent d’endroits différents et font de la musique différemment. J’avais envie que l’élan de la mise en scène soit exactement le contraire, c’est-à-dire de lier, de faire communauté avec plein de personnes qui a priori viennent pas du même endroit. Je savais que ça n’allait pas être facile mais c’était évident qu’il fallait créer ce groupe-là, créer du lien entre toutes ces personnes qui viennent de musiques très différentes pour faire communauté, pour faire groupe.
Le film révèle de nombreux talents mais également ceux de Bilal Hassani pour la comédie, comment s’est faite la rencontre entre vous ?
Alexis Langlois : Il y avait l’idée de révéler, mais surtout de trouver vraiment les meilleurs interprètes pour les personnages, et notamment les personnes qui viennent au maximum de la communauté queer. Pour Bilal, j’aimais vraiment beaucoup la manière dont il avait de parler de communauté. Et en fait, je m’étais dit que les youtubers étaient vraiment les conteurs des temps modernes. Donc, il était quand même lié au projet, même si après, évidemment, le personnage en soi de Stevie n’a pas grand-chose à voir avec lui. Je lui ai proposé de jouer Stevie vraiment comme un rôle de composition et c’est ça qui l’a vraiment excité et il a tout de suite compris l’endroit où j’allais l’emmener. Il a une immense finesse de jeu, un rythme, une précision. On avait notre langage secret sur le plateau avec des références de vieilles chanteuses ou d’extraits de film qu’on avait vu. C’était très excitant de travailler avec Bilal et de le diriger et je pense que c’était très excitant pour lui aussi parce qu’il y avait quelque chose d’immédiat sur le plateau, c’était toujours très drôle, il créait plein de choses, c’était vraiment du stand-up quoi ! Un acteur est né, clairement, et au-delà de toutes mes espérances.
Ce qui est frappant c’est la façon dont vous alliez modernité et lyrisme…
Alexis Langlois : Comme ils font quasiment tous partie de la communauté queer, c’est peut-être aussi des visages, des corps et des manières d’exprimer les émotions qui sont propres à nos communautés donc du coup modernes puisqu’on les voit très peu au cinéma. Et j’avais vraiment envie de raconter ce que ça comporte de lyrisme avec ces personnages, que ces personnages queers aient eux aussi, droit au lyrisme. Ça me paraissait très important.