Je suis ton fils.
Selon Christian Clavier, une comédie, c’est fait pour faire rire. Pas pour faire réfléchir, seulement rire. C’est la pirouette que l’acteur avait trouvée pour envoyer valser les polémiques suscitées par A bras ouverts, film dont on avait du mal à savoir s’il pêchait par naïveté ou s’il était tout bonnement bête à manger du foin. Pourquoi vouloir à tout prix considérer la comédie populaire comme un genre décérébré, sans recul critique, social ou politique ? Le rire n’est-il pas, comme l’expliquait Bergson, purement cérébral ? Encéphalogramme plat donc devant cette énième comédie française qui fait de Clavier son roi : Momo. Dans Momo, adaptation de la pièce de Sébastien Thiery par Sébastien Thiery, l’acteur joue les riches misanthropes, un autre Jacquart – personnage matrice (Les Visiteurs). Avec sa partenaire, Catherine Frot, ils forment un couple de parfaits petits bourgeois vivant dans une bulle; une bulle qui éclate dans un supermarché, alors qu’André (Clavier) se fait accoster par un trentenaire à l’allure pas claire et au baragouinage suspect. Ouf, il ne s’agit pas d’un immigré, seulement d’un mal-entendant mal fagoté qui doit avoir pris un coup sur la caboche puisqu’il se présente comme le fils du couple. Impossible. Impensable. Et pourtant. Après “je suis ton père”, voilà “je suis ton fils”.
Si Sébastien Thiery et Vincent Lobelle croient signer une fable sur l’altérité et la tolérance, le périmètre de jeu qu’ils définissent est, dès les premières minutes du film, bancal. Le piège résidait dans l’outrage par la caricature. Bingo. D’abord le personnage de Patrick, coiffé comme Jim Carrey dans Dumb & Dumber, interprété par Sébastien Thiery lui-même. Celui de sa femme ensuite, campé par Pascale Arbillot, une non-voyante un peu gourde, un peu simplette aussi. Deux personnages handicapés représentés comme deux neuneus au look minable. C’est la fête. Rions. Malaise dans la représentation du côté des nantis également. Le frigo de la maison est plein, les pièces sonnent dans les porte-monnaie, et malgré tout, quelque chose cloche. Un vide. Le manque d’enfant. Celui que ressent aujourd’hui Laurence (Catherine Frot) et qui voit dans l’irruption de Patrick une deuxième chance. Elle veut être mère, la mère de ce garçon de 30 ans auquel elle s’accroche, comme un enfant à son doudou. Psycho première année. Mais on s’en fiche du sous-texte psycho-social du film, on s’en fiche de la bonne morale judéo-chrétienne servie jusqu’à la lie, on s’en fiche de représenter les handicapés comme des débiles mentaux, on s’en fiche d’entendre que la maternité fait la femme, qu’elle la rend entière, on s’en fiche d’écrire un scénario solide, on s’en fiche de la réalité, parce qu’une comédie, c’est seulement fait pour rire. Soufflons. Hi-han.
Momo, réalisé par Sébastien Thiery et Vincent Lobelle. Avec Christian Clavier, Catherine Frot, Sébastien Thiery, Pascale Arbillot. Durée : 1H25. En salles le 27 décembre 2017. FRANCE.