J’adore les films de Blier – Lidia Terki
Tout l’été, FrenchMania propose à plusieurs de ses talents préférés de répondre à un questionnaire très très french sombrement intitulé… le French’Questionnaire ! Huit questions comme les 8 femmes d’Ozon (on a osé). On démarre avec la réalisatrice franco-algérienne Lidia Terki, récompensée en avril dernier du prix Alice Guy pour son premier long métrage Paris la Blanche (2017). Un film gracieux qui raconte le parcours éprouvant d’une Kabyle qui traverse la Méditerranée à la recherche de son mari alors parti travailler à Paris. Amoureuse du cinéma français, Lidia Terki cite aisément dans sa filmothèque idéale des œuvres comme Le Salaire de la peur de Henri Georges Clouzot, Le mépris de Jean-Luc Godard ou encore 37,2 le matin de Jean-Jacques Beineix.
Tassadit Mandi dans Paris la Blanche, de Lidia Terki, prix Alice Guy 2018
1 – Le film français ou francophone à voir seule l’été, les volets fermés, quand les autres sont à la piscine ou la plage ?
Lidia Terki : Quand ça me prend, en général, je me tape carrément un coffret entier ! Boulimique ! Tout dernièrement, j’ai attaqué Louis Malle et Bresson, deux coffrets de Melville que je revois régulièrement, et un coffret de Robert Cahen, réalisateur que je ne connaissais pas et dont on m’a offert une partie de l’œuvre en Chine cet hiver.
2 – Le film français que vous revoyez régulièrement entre potes et dont vous répétez les répliques entre deux sessions de barbecue ?
L.T : J’adore les films de Blier ! Tenue de soirée et Calmos qui est moins connu mais que je regarde plusieurs fois chaque année depuis 10 ans. Je ne suis pas très “répliques” de films. J’ai toujours été incapable d’en citer une par cœur, ce qui fait que je les redécouvre à chaque fois avec joie !
3 – Le film français qui vous donne envie de galocher votre voisin ou voisine de canapé ?
L.T : Déjà faudrait avoir un.e voisin.e de canapé… Et puis quand on a envie de galocher, on a envie un point c’est tout, peu importe le film. Je regarde rarement un film avec quelqu’un sinon je ne verrai rien… Pelloche ou galoche, il faut choisir !
4 – Un film français dans lequel vous pourriez vivre à l’année longue ?
L.T : Peut-être César et Rosalie de Claude Sautet. J’adore sa direction d’acteur, ses dialogues, sa façon de faire parler les non-dits dans notre tête, pour nous tout seul. C’est tellement loin des clichés sur la vie, l’amour, la trahison, la colère, la haine. Les films de Sautet, c’est tellement la vie que j’y vis toute ma vie !
Pelloche ou galoche, il faut choisir ! – Lidia Terki
5 – Un héros ou héroïne français(e) de fiction que vous adoriez enfant ?
L.T : Rien ni personne ne pourra jamais égaler Lady Pénélope et *soupirs* la fabuleuse envoûtante, magnétique… Emma Peel ! Désolée, je n’ai pas de française en tête !
6 – Le réalisateur ou la réalisatrice français(e) dont vous avez vu tous les films ?
L.T : Là encore, il y en a plusieurs. Claude Sautet d’abord, même si je n’ai pas tout vu de lui, mais pas loin… J’aime de plus en plus ses films. Plus je vieillis, plus je les ressens. Je me dis qu’il y a une sacrée maturité, une maturité nécessaire pour faire de tels films. Ils sont comme une sauce qui prend son temps à réduire. Il y a des choses qui se dégagent l’air de rien : l’ambiance, la profondeur, des interstices, du non-dit qui se dit, l’odeur, le goût, notre vie… Je pense aussi à Jean-Luc Godard (sauf le dernier film), Blier, Doillon, Melville, Malle, et j’en passe…
7 – Le film français ou francophone de l’année pour vous ?
L.T : Je n’ai pas pu voir beaucoup de films français cette année. J’espère rattraper un peu mon retard cet été. Il y a le film belge Girl que j’ai loupé. Et en bonne curieuse, j’ai bien envie de voir Problemos. Même s’il y doit y manquer une certaine dimension “cinéma”, je suis archi fan de Blanche Gardin. J’attends que cette femme dirige un film. J’adorerais qu’il y ait plus de films comme Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola ou Salo ! de Pasolini … Mais qui produirait des films comme ça aujourd’hui ? La télévision formate le cinéma et, par conséquent, la créativité ET la pensée. Mais bon c’est un vaste sujet et pas très drôle en ces jours d’été.
8 – Votre actualité prochaine ?
L.T : Plusieurs projets en court à des étapes différentes.
– Un long fantastique et claustro sur les différentes dimensions…de l’esprit/ un projet de longue date qui trouvera son chemin j’espère bientôt avec l’intérêt récent sur le cinéma dit de genre. Une actrice formidable me suit depuis peu et ça fait du bien…
– L’adaptation d’un roman d’anticipation/ mais femme réalisatrice+ anticipation (budget) + adaptation = compliqué !! Les réalisatrices doivent faire dans “les films de femmes” et ne pas faire de ” films d’hommes”… Si si, je vous jure, je l’ai entendu maintes fois!
– Un film de jeunesse, de musique et d’été sur les rapports entre les générations au sein d’une famille qui s’est fait bouler deux fois à l’aide à l’écriture pour manque de …. dra-ma-tur-gie !!!
Il ne s’agit pas tant d’avoir des projets mais de trouver la bonne formule pour les faire et les monter. Aucun auteur n’est d’accord pour faire un film pas payé pendant 5 ans et le voir dégager des écrans en 15 jours. Personnellement, je me sens un peu à l’étroit avec cette façon de créer et de fabriquer qui est très balisée, cadrée. C’est la raison pour laquelle j’ai aussi un projet de fiction participatif sur toute une ville que je développe en parallèle et qui m’excite, même s’il affronte d’autres lourdeurs, administratives pour le coup… Il y a des choses à inventer c’est sûr, des risques à prendre quitte à se prendre des murs bien épais et les défoncer… Mais bon, il semble que ça pointe à l’horizon… Les auteurs et les cinéastes sont en train de crever la gueule ouverte, ils ne vont pas avoir d’autres choix que de se réunir pour bouger.
Propos recueillis par Léo Grillet
Photo article : ARP Sélection – photo Dalia Benaïs
Photo rubrique : “Ava” de Léa Mysius / crédits Bac Films