Pour finir cette année en beauté, FrenchMania est allé à la rencontre des talents français qui ont marqué 2018. Papa de Guy, Alex Lutz nous a enchanté avec ce deuxième long métrage, présenté pour la première fois en clôture de la Semaine de la critique à Cannes, qui joue avec les codes du mockumentary. Trois nominations aux Prix Lumières 2018 viennent d’être annoncée : meilleur film, meilleur acteur, meilleure musique. Alex Lutz est l’un de nos héros de l’année. Il répond à notre questionnaire maison.
Votre premier souvenir de cinéma ?
J’hésite entre Rox et Rouky, Blanche Neige et E.T, mais je crois que c’est Rox et Rouky… C’est ma tante que m’avait emmené voir ça… Oh, je me souviens… quand Rox et Rouky ont grandi, qu’ils ne se reconnaissent pas, et que l’un grogne sur l’autre… C’est d’un tragique quand même ce dessin animé ! J’ai vu Blanche Neige peu de temps après. C’était le moment des fêtes où Disney ressortait les classiques de la maison, et moi j’adorais ça quand j’étais gamin, j’allais au Vox à Strasbourg. Je devais avoir 5 ou 6 ans. Pareil pour E.T. Je l’ai revu avec mon fils il y a quelques temps. Quelle intelligence, quelle poésie. Mais la poupée, elle est cheum quand même, elle a pris un coup.
Quand et comment est né votre désir de jouer ?
Tard. Celui de jouer au théâtre est venu avant celui de faire du cinéma. Petit, je faisais du dessin. Je voulais être peintre, faire du dessin animé ou de la BD. Je ne m’exprimais que comme ça. Puis, pour une erreur d’orientation scolaire – ma mère n’arrêtait pas de me dire que mon dossier scolaire pourri allait me poursuivre – je me suis retrouvé à faire du théâtre. Je faisais du théâtre comme d’autres faisaient du foot ou du judo quoi. Mais j’ai adoré ça. J’en ai très vite fait 15h par semaine, je devenais accro à la scène. Tout d’un coup, tout ce que je dessinais était en relief. J’ai commencé par la mise en scène et l’écriture avant de me lancer dans le jeu parce que je me trouvais très mal dégrossi à ce dernier. J’étais mauvais. J’avais une prof avec qui ce n’était pas génial, en revanche, c’est un prof de voix qui m’a donné confiance en moi. Je savais que j’étais du Beaujolais au début, vous voyez ? Je n’ai pas le physique ni le magnétisme de Gaspard Ulliel, un mec comme moi n’a pas d’autre solution que de savoir jouer, d’être vraiment bon. Gaspard est un immense acteur en plus d’être magnétique. Je savais que, pour ma part, je n’inscrivais pas la pellicule, ça ne pouvait être que mon travail qui s’y inscrivait. Mais je suis très content comme ça.
Guy est sorti en août 2018. C’est votre deuxième long métrage en tant que réalisateur. Qu’est-ce qui a changé ?
J’ai beaucoup aimé faire ce premier film, et je remercie le ciel ou je ne sais quoi, d’avoir eu à mes côtés des personnes qui y ont cru. Avec ce premier long, j’ai eu envie de faire le bon élève, faire comme il fallait. C’est un film que j’aime beaucoup, mais qui est une leçon. Je n’ai jamais fait d’école, mais j’ai toujours foncé, je dis “oui” avant de savoir faire ! Mais je n’ai aucun problème avec le fait d’essuyer des plâtres. Au contraire, je trouve ça merveilleux d’en essuyer. Guy, c’est un deuxième long dont je suis très fière. Tout me rend fière, et ça je n’ai pas l’habitude de le ressentir souvent. Je suis content des acteurs, de mes copains dedans, je suis fière de mes monteurs, des musiciens. Je vois une réussite collective. Je vais prendre mon temps pour le prochain. Beaucoup me pressent et me recommandent de battre le fer tant qu’il est chaud comme on dit, mais je ne sais pas… Tout ça m’effraie un peu. Faire un film, c’est ressentir l’urgence de le faire. Alors je vais voir comment tout ça se décante. Je crois qu’il ne faut pas bouder les moments de questionnements.
Le héros que vous interprétez dans Guy est entouré de femmes. Est-ce plus difficile d’écrire des personnages féminins ?
Pas le moins du monde ! J’adore écrire des personnages féminins ! Je les incarne quand je les écris, c’est du bonheur. Je n’ai jamais ressenti d’étrangeté vis-à-vis de ça. Je me sens très homme, mais je n’ai pas difficulté à être dans la peau d’une femme.
Votre film et personnalité coup de cœur cette année ?
Je suis dingue de Jean-Bernard Marlin. Quel type incroyable. Son film, Shéhérazade, c’est une merveille… Le cinéma, ça peut être tout con, en un plan, on peut te capter de la plus intense des manières. Je ferme les yeux là et je suis capable de me souvenir précisément de certains plans parce qu’ils marquent pour toujours, parce que de plan en plan, il y a quelque chose de symbolique. C’est si puissant, c’est si fragile en même temps, et tu te dis pour les personnages de cette histoire, pourvu que ça tienne un peu… Qu’est-ce que c’est beau ! Il aurait pu tomber dans tous les panneaux, mais le film est une immense histoire d’amour.
Propos recueillis par Ava Cahen et Franck Finance-Madureira
Photos : Copyright Apollo Films