3 Hommes et un bouquin
Ivan (Mathieu Capella), 13 ans, est en pleine remise en question. Ses modèles, son grand frère et son père qui l’élève seul, ne sont plus à la hauteur de l’admiration du jeune ado en plein crise mystique avec obsession christique et latin renforcé au menu. Il faut reconnaître que les adultes du foyer filent un mauvais coton ! Joachim, son frère (Vincent Lacoste), est en boucle sur Suzanne qui est partie, drague tout ce qui bouge et délaisse de façon relativement inquiétante son cursus en psychiatrie et Joseph, son père (Benoît Poelvoorde), dont le frère vient de mourir d’un cancer, a abandonné son cabinet de médecin pour tout miser sur une plus qu’hypothétique carrière de romancier. Ce livre matérialise les enjeux majeurs du film, il en est le révélateur, le lien invisible. Par son biais se rétablit la communication entre ces trois hommes qui s’aiment, mais ne se le disent plus ou mal, et ressurgit l’importance qu’ils ont les uns pour les autres, la façon dont ils se protègent ou s’écoutent aux portes pour mieux se soutenir.
Sur cette trame ténue et intime, Félix Moati dresse, avec son trio père et (deux) fils, un état des lieux finement senti et jamais démonstratif de la condition masculine aujourd’hui, et à trois âges de la vie. S’il fait confiance avec raison à la force et à la finesse de ses interprètes, Félix Moati crée, avec ce premier long métrage, une atmosphère d’une douceur infinie dans cet Est parisien qu’il semble connaître comme sa poche et ose des dialogues qui ont du fond. Les trois garçons vont devoir fendre l’armure, chacun à sa façon, et le résultat s’avère, au fil du récit, bouleversant à plus d’un titre. Poelvoorde n’a jamais été aussi émouvant, Lacoste prouve, une fois de plus, la justesse et la modernité de sa bienveillance nonchalante et le jeune Mathieu Capella qui interprète Ivan est une découverte réjouissante. Anaïs Demoustier, prof particulière de latin du plus jeune des frères et maîtresse de l’aîné, complète ce trio avec une liberté qui lui va bien. Ancré dans ce fameux air du temps qu’il capte à merveille, Deux Fils va bien au-delà. Il porte en son cœur une réflexion salvatrice sur le mode du “c’est quoi être un mec bien aujourd’hui ?”. Poser une telle question avec légèreté, intelligence et douceur, c’est déjà y répondre.
Réalisé par Félix Moati. Avec Vincent Lacoste, Benoit Poelvoorde, Mathieu Capella, Anaïs Demoustier… Durée : 1H30. En salles le 13 février 2019. FRANCE.
Copyright Nord Ouest Films / Victor Moati.