Vieux cinéma d’art et d’essai ouvert en 1964, Le Nouvel Odéon a fait peau neuve en 2010. Sous l’égide de Haut et Court, ce petit cinéma à salle unique du quartier latin est géré d’une main ferme et tentaculaire par Nicole Martin, l’une des rares directrices de cinéma indépendants parisiens.
Sous les néons du Nouvel Odéon
Douce, le verbe franc, la tête haute et l’esprit alerte, Nicole Martin n’est pas une directrice ordinaire. Sous la houlette de la société Haut et Court (détenteur du cinéma), elle insuffle au Nouvel Odéon une atmosphère humaine et conviviale. Le Nouvel Odéon invite à la trêve, si l’on prend le temps de venir quelques minutes avant la séance. Descendre les marches qui jouxtent la caisse pour s’installer au cœur d’un salon bleu ciel dont la déco épurée et designée par l’artiste Matali Crasset (conceptrice du musée mobile le Mumo et de kiosques parisiens) pousse à la détente et à la déconnexion. Sous des airs d’atelier branché, la pièce se compose d’un espace bar et d’une mezzanine en bois, type matériaux recyclés, dont les quelques chaises permettent de boire son café en consultant les livres ou journaux à disposition – tel que Libération, partenaire du cinéma. La déconnexion démarre. Nous entrons en phase transitoire, à mi-chemin entre la fiction (la salle) et la réalité qui elle, n’est plus qu’un souvenir. Quoi qu’encore visible à travers la grande baie vitrée qui surplombe le salon, elle s’impose tel un dernier écran captant la vie réelle de la petite rue de l’école de médecine. Graphique à l’intérieur comme à l’extérieur – de nuit les néons de l’enseigne confèrent au cinéma des allures de vieux café américain -, le Nouvel Odéon est un vrai lieu de vie, à la fois classe et cosy, élégant et confortable, à l’image de son unique salle, accessible de plain pied depuis le hall (et de fait, parfaitement adaptée aux personnes à mobilité réduite). Les fauteuils couleur parme, molletonnés à souhait, s’offrent à nous dans l’ambiance tamisée de la salle dont les sources de lumière proviennent de néons dressés à la verticale le long des mûrs rouges de la salle. Le voyage commence…
Cinéma de quartier et de qualité
Nous avons rencontré Nicole Martin, bout de femme captivante et déterminée, devenue directrice de cinéma suite à une reconversion professionnelle récente. Notre échange s’est ponctué par des interventions de clients ou simples passants désireux de connaître l’horaire d’un film ou l’adresse d’un autre cinéma indépendant. Nicole leur répond tout sourire, sincère et ravie, conférant à ce lieu toute la familiarité que son cadre dégage. La directrice distille son énergie aussi bien à l’accueil – elle s’occupe de la caisse, sert le café, (répare la machine si besoin)- qu’à la projection – Nicole est projectionniste avant d’être directrice – en passant par l’administration. Elle jette aussi un coup d’œil à la programmation, sans l’accaparer parce que « programmateur, c’est un métier à part entière et c’est très compliqué ». Ici, il n’y a pas de petites besognes, c’est un tout.
Et puis Nicole est une mordue de cinéma. Après le boulot, elle y retourne et fréquente d’autres salles. « J’ai toujours aimé aller au cinéma. Depuis toute petite, j’ai encore ce frisson au moment où le logo du producteur s’affiche sur l’écran, parce que je me dis : ça y est, c’est parti, on va enfin me raconter une histoire ». A travers cet indéfectible amour pour les histoires, Nicole porte haut les valeurs de Haut et Court, à savoir « défendre un cinéma difficile à travers l’idée de l’art et essai, en mettant en exergue ces petits films évincés des écrans ».
Le cinéma conçu comme une ouverture sur le monde : en témoigne le choix courageux et appréciable de l’absence de publicités en début de séance, remplacées par une sélection de courts-métrages. « C’est une question de qualité de projection ! On ne veut pas piéger le spectateur avec des publicités pendant vingt minutes » assène Nicole qui en profite pour nous glisser en coin « Je n’en peux plus de la pub de la MAIF ! ». Qualité de projection, convivialité du cadre et de l’accueil, le seul bémol du Nouvel Odéon, c’est l’unicité de la salle de projection, dont la programmation est de fait, sévèrement limitée. Généralement deux films en alternance sur plusieurs semaines – la sélection restreinte pousse à l’exigence -, sans compter les séances spéciales, dont celles à destination du jeune public, programmées le dimanche matin.
A l’année, la programmation valse entre différentes nationalités, tout en réservant une place de choix au cinéma français. L’an dernier, le Nouvel Odéon a consacré 44% de sa programmation européenne à la diffusion de films français, tandis que cette année, la part de films hexagonaux s’élève à 73%. A l’affiche en ce moment, le premier film de Blandine Lenoir, Aurore avec Agnès Jaoui et Les vacances de Monsieur Hulot en version restaurée et en séance Ciné Kid le dimanche matin.
A noter dans vos agendas le Festival iranien du Nouvel Odéon, du 14 au 20 Juin, qui fait écho au partenariat que le cinéma entretient tout au long de l’année avec les films iraniens, à savoir un long-métrage par mois projeté à 11h chaque samedi.
Ségolène Alunni
Cinéma Le Nouvel Odéon
6, rue de l’Ecole de Médecine
75006 PARIS
Métro: Odéon ou Cluny La Sorbonne.
Plein tarif: 9,50€
Cartes UGC Illimité et Le Pass acceptées