Petit frère
Après un court métrage en forme de petit miracle d’intelligence (Ce n’est pas un film de cow-boy, présenté à la Semaine de la Critique à Cannes en 2012 et récompensé de la première Queer Palm du court métrage, plus de 80 sélections en festival et près de 40 prix par la suite), c’est peu dire que Benjamin Parent était attendu au tournant du premier long ! Il confirme avec Un Vrai bonhomme un vrai talent pour l’écriture de personnages adolescents justes et pas clichés comme pour le jeu avec les codes d’un cinéma populaire aux influences américaines et l’exploration des méandres de la construction de la masculinité. Coup de cœur pour ce film surprenant qui tranche clairement avec ce qu’a l’habitude de proposer le cinéma français dans ce registre.
Après un drame familial, Tom (parfaitement incarné par le jeune Thomas Guy vu dans L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier), ado discret qui aime se réfugier dans la littérature, doit faire face à un double défi : faire son entrée au lycée et parvenir à rivaliser avec son grand frère Léo, champion de basket adulé, pour l’attention de son père. Par atavisme familial mêlé d’affection et d’admiration, Tom va accepter d’être drivé par son grand frère. L’objectif de Léo est simple, faire de son frère un mec, un vrai bonhomme, capable de séduire les filles et d’être craint par les garçons mais l’influence de ce “bon génie” va se révéler de plus en plus toxique…
Par ce dispositif, dont on ne vous dit pas tout pour préserver la surprise (qui intervient dans le premier quart d’heure), Benjamin Parent met en place tous les éléments pour à la fois faire un film sur l’adolescence qui s’inscrit dans une lignée de cinéma populaire de qualité, et mener une réflexion fine et intelligente sur la construction de la masculinité. Un Vrai bonhomme est surprenant et novateur dans un cinéma français habituellement assez binaire quant il s’agit de traiter du monde adolescent : soit drame sensible sur le mode de la chronique doloriste, soit comédie potache multipliant les clins d’œil appuyés à une “cible” adolescente fantasmée.
Le film de Benjamin Parent est frontal et émouvant sur les thèmes du mal-être adolescent, du trauma post-traumatique, de ses répercussions sur le noyau familial (Laurent Lucas et Isabelle Carré sont parfaits en parents en mode “veille”) et, on l’a dit, des injonctions virilistes de la société. Il emprunte, pour mieux leur tordre le cou avec une gourmandise évidente, les codes du “teen movie” et du film de super héros américains et parvient à être souvent très drôle notamment grâce aux prestations remarquables de deux jeunes comédiens à suivre de près : D’abord le charmeur et vibrionnant Benjamin Voisin (Léo) vu dans le film de Rupert Everett The Happy Prince et bientôt à l’affiche d’Été 85 de François Ozon mais également Nils Othenin-Girard (JB le meilleur ami hypocondriaque et fan de Hugh Laurie) qui crevait déjà l’écran aux côtés de Félix Moati dans Simon et Thédore de Mikael Buch en 2017.
Un Vrai bonhomme, c’est un peu le film d’ados français populaire et intelligent qu’on attendait depuis longtemps : imparfait sans doute mais indiquant clairement la bonne direction.
Réalisé par Benjamin Parent, avec Thomas Guy, Benjamin Voisin, Isabelle Carré, Laurent Lucas, Nils Othenin-Girard, Tasmin Jamlaoui, … – 1h28 – FRANCE- En salles le 8 janvier