L’ Antigone corse
Adapté d’un roman de Jérôme Ferrari, À son image de Thierry de Peretti poursuit la photographie de sa Corse natale, déjà bien entamé avec Une vie violente (2017) qui évoquait les indépendantistes et le mouvement nationaliste du FLNC à la fin du XXe siècle. Ici, le réalisateur adopte une autre position en racontant la courte vie d’Antonia (Clara-Maria Laredo, révélation magnétique et elle-même enfant de l’indépendantisme insulaire), une jeune photojournaliste obsédée depuis l’enfance par la quête de « l’image juste ». Le film s’ouvre sur la mort d’Antonia dans un accident de voiture avant de revenir par flashbacks fragmentés sur les décennies précédentes. À travers ce portrait d’une femme amoureuse d’un nationaliste, double témoin intime et oculaire via son appareil photo, Thierry de Peretti joue des narrations et points de vue. Un personnage féminin extérieur aux luttes, dont la vie est narrée par un membre du FLNC, et dont le « je » n’apparait qu’au milieu du film, nous révélant son identité, parlant uniquement de lui à travers elle. À son image se teinte d’une mélancolie trouble hantée par le destin funeste qui attend cette Antigone désireuse d’émancipation, et qui ira jusqu’en Yougoslavie comme reporter de guerre pour capter, tout aussi impuissante, un autre combat local. Le cinéaste filme ainsi en plein soleil cette jeunesse broyée dans son innocence, dévorée par la noirceur et les désillusions politiques… Pour Antonia, il se donne le rôle du parrain, prêtre du village qui lui a offert enfant son premier appareil photo, comme pour mieux se placer de l’intérieur en témoin de ces luttes fratricides sanglantes. Brillant !
Réalisé par Thierry de Peretti. Avec Clara-Maria Laredo, Louis Starace, Marc-Antonu Mozziconacci, Andrea Cossu…France – Pyramide Films – 1h53 – En salles le 4 septembre 2024.