Le réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis, récompensé notamment du Grand prix du jury à la Berlinale 2017 pour son film Félicité se mobilise pour l’accès au cinéma au Sénégal. Sous son impulsion à la fin de l’année 2018, le centre Yennega a vu le jour à Dakar. Ce lieu de projections, de rencontres, de débats et de création est le premier pôle culturel dédié au cinéma et cherche à développer la formation des professionnels sur place et le développement du cinéma sénégalais comme de ses talents. Avant la fin de la campagne de financement participatif lancée pour ce mois de mars, le réalisateur nous parle des ambitions du centre Yennenga.
Pouvez-vous nous raconter la genèse du centre Yennenga ?
Il y avait la volonté de faire en sorte qu’il y ait plus de films. Des salles rouvraient au Sénégal mais il n’y avait finalement pas de films sénégalais ou ouest-africain à montrer, très peu, ou alors des coproductions internationales qui posent d’autres types de problèmes : de représentation, d’identité, de propriété… Il est possible de tourner, car il existe un fond pour le cinéma, le Fopica, et des techniciens compétents. Mais ensuite, c’est plus compliqué. Il nous paraît indispensable d’être en capacité de faire des films, de A à Z. Il y a quelques années le cinéaste Cheick Oumar Sissoko disait quelque chose comme : il est indispensable que nous filmions notre façon d’aimer, de ressentir, de rêver, sous peine d’être englouti par les sentiments et les rêves des autres. Ça m’a marqué. Et cela pourrait s’appliquer à n’importe quelle partie du monde ou couche de nos sociétés… Au fond la question c’est : va-t-il émerger ou non d’autres formes d’écritures cinématographiques ? C’est une question de langage, de grammaire, de liberté.
Quelles sont les ambitions de développement grâce à cette campagne de financement participatif ?
Dans tout cela, on essaye de rester indépendant. On a des financements, pas suffisants, qui nous permettent de nous équiper et de financer deux formations et c’est incroyable. Mais il nous faut trouver des bourses pour ces étudiants et financer toute la partie culturelle. Parce que nous sommes aussi un centre culturel qui va faire des projections et des ateliers avec les écoles par exemple. Nous croyons aussi au cinéma en tant qu’outil d’interaction culturel et social.
Quelle est la situation de la production cinématographique au Sénégal ?
On pourrait répondre à cette question de beaucoup de façons différentes. Moi je dirais qu’il y a actuellement moins d’un long métrage par an, et quasiment aucun qui soit complètement initié localement. Alors que tous les éléments sont là, ou presque, bientôt… Il y a un faisceau d’initiatives très intéressantes. Il faut offrir la possibilité aux jeunes sur place de faire leurs films, nous en avons besoin. Le cinéma ouest-africain en a besoin, certes, comme tous les cinéphiles du monde entier ! D’ailleurs, nous espérons bien que le Centre accueillera des films d’un peu partout.
Pour soutenir le Centre Yennenga : https://www.fiatope.com/projects/centre-yennenga