Elle est virevoltante et libre dans le premier long métrage de Charline Bourgeois-Tacquet qui porte son prénom. Actrice au spectre incroyablement varié (ses compositions chez Guédiguian, Donzelli, Tavernier, Dupieux ou dans Alice et le maire, qui lui a valu un César, en témoignent), elle se confie sur ce personnage à effet-miroir et le travail initié avec la réalisatrice depuis le court métrage Pauline asservie.
Comment s’est opérée la continuité entre le personnage que vous interprétiez dans le court Pauline asservie de Charline Bourgeois-Tacquet et ce personnage d’Anaïs dans son premier long métrage ?
Anaïs Demoustier : En fait cela s’est fait très naturellement. Avec Charline on a eu une vraie rencontre artistique et une entente immédiate dans le travail, et, surtout, un grand plaisir à aborder ce personnage de Pauline qui ressemblait effectivement déjà beaucoup à celui d’Anaïs avec des thématiques en commun sur l’aliénation amoureuse. C’était un personnage comique par ses excès, par sa mauvaise foi et par son côté un peu impétueux qui a envie d’en découdre avec la vie et les sentiments. On avait envie de poursuivre cette collaboration et d’aller plus loin avec le même personnage.
On imagine qu’il fallait qu’il y ait une vraie relation de confiance pour aller aussi loin dans le personnage…
Anaïs Demoustier : Oui, et le court métrage a vraiment aidé, a vraiment servi. Au début du court métrage, je trouvais que le personnage parlait comme un automate, avec cette espèce de logorrhée verbale qui pourrait être insupportable.En éprouvant ça sur le court et en voyant que cela fonctionnait, que c’était justement dans cet excès-là que cela devenait intéressant, j’étais plus décomplexée pour le long métrage ! Le personnage fait parler d’elle, elle agace, elle fascine… Moi je l’ai travaillé en l’aimant. Quand je ne la comprends pas, je cherche une raison à son comportement. Quand je la trouve abrupte ou froide, j’essaie de trouver la raison. Je pense que c’est souvent de la pudeur, une façon de ne pas s’appesantir sur des émotions négatives et d’avancer… Avant tout, elle se raconte que la vie c’est précieux et que c’est urgent d’aller vers son désir, de ne pas faire de compromis.
C’est relativement récent dans le cinéma français ces personnages féminins qu’on autorise à ne pas à avoir à justifier de comportement qui sortent du cadre…
Anaïs Demoustier : Oui, c’est vrai ! Il y a ce côté héroïne qui assume qui elle est, et qui n’est pas un personnage-muse qui se laisse filmer ou regarder par un réalisateur. Il y a un sentiment de liberté.
Vous vous autorisez une vraie liberté de choix dans vos rôles mais on projette souvent sur vous l’image d’une jeune femme très littéraire, très lettrée, vous savez d’où ça vient ?
Anaïs Demoustier : Quand on est acteur, c’est difficile de savoir ce qu’on projette sur nous, l’image qu’on véhicule. Hier, on m’a dit que dès qu’il y avait des amours déviantes ou des relations bizarres c’est moi qu’on appelait ! C’est vrai que j’ai fait Marguerite et Julien où je couche avec mon frère, A trois on y va où je couche avec couple, dans Une Nouvelle amie, je couche avec un homme qui se travestit… Et en fait je suis ravi de cela. Mais souvent les personnages d’amoureuses sont des rôles exceptionnels, des personnages animés par le désir, qui sont habités. Le cinéma restitue les choses qui ne se disent pas, comme le sentiment amoureux qui nous porte mais qui est invisible. Le côté littéraire, cela vient peut-être du fait que j’aime bien le texte, les auteurs et que je m’intéresse peut-être plus aux metteurs en scène qui ont l’amour des textes.
Après le court et le premier long, vous croyez que le travail avec Charline pourrait se poursuivre ?
Anaïs Demoustier : C’est rare de sentir une telle connivence avec la langue de quelqu’un, avec son écriture; donc c’est tout à fait possible !