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Animals de Nabil Ben Yadir

par | 14 Fév 2023 | CINEMA, z- 1er carré gauche

Indispensable

C’est un film dont on ne revient pas. Qui vous colle un uppercut en plein plexus dont il est impossible de se relever. Et pose la question si délicate des limites à franchir ou pas dans la mise en scène de l’horreur à l’état pur. Même si tout vous autorise à le faire. Il faut pour cela une véritable intelligence de la réalisation. Une justification de chaque plan, de chaque choix de cadres et d’images, pour ne pas tomber dans le piège d’un démonstratif écœurant. Avec Animals, Nabil Ben Yadir que l’on avait quitté plus solaire et optimiste avec La Marche parvient à ne tomber dans aucun des travers manipulateurs tant redoutés. Tout en nous forçant à être frontalement les témoins d’une tragédie ignoble que nous souhaiterions ne jamais avoir à regarder. Un tour de force maîtrisé et éprouvant, qui ne ménage jamais le spectateur mais sait toujours où s’arrêter pour éviter que les intentions de cette fiction inspirée d’un fait divers ne se retournent contre elles.

Tout commence par un anniversaire. Brahim (époustouflant Soufiane Chilah) est au milieu des siens et a choisi cette journée heureuse pour présenter à sa mère son petit ami. Mais celui-ci rester injoignable. S’insinue alors l’idée que le frère de Brahim aurait intimidé l’amoureux qui n’ose pas se présenter. Désemparé Brahim se rend dans le quartier gay pour le retrouver. C’est là que, pour éviter à une jeune fille de se faire agresser par quatre mecs, il accepte de s’embarquer dans la voiture de ceux qui deviendront ses bourreaux. Aller simple vers une nuit de sévices qui dépassent tout entendement, lynchage homophobe que le cinéaste choisit de restituer dans sa plus âpre réalité. Au matin, l’un des quatre assassins (qui, au procès ne témoignèrent pas du moindre regret), se rend au mariage de son père. Cérémonie qui glace le sang quand nous découvrons la teneur de cette union. A peine sortis de la salle, la première question qui taraude : est-ce que tout est vrai ? Comme un réflexe de protection. Pourvu que la fiction ait exagéré le propos. Hélas non, tout est rigoureusement exact. Une vérité haineuse qui nous désespère, nous révolte et nous laisse impuissants. Et trois chapitres écrits et filmés avec une véritable conscience du geste cinématographie et de ses responsabilités, Nabil Ben Yadir ouvre le dossier de l’immonde, nous alertant sur la possibilité que tout cela puisse recommencer.
Comme si le mot fin de cette histoire (dont il ne tournera pas le procès cathartique) n’était en réalité que le début d’un autre drame inéluctable, malgré l’évolution positive des mentalités envers la communauté LGBTQIA+. Rares sont les films qui le sont mais Animals est indispensable.

Réalisé par Nabil Ben Yadir, écrit par Nabile Ben Yadir et Antoine Cuypers , avec Soufiane Chilah, Gianni Guettaf… Belgique – En salles le 15 février (JHR Films)

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