Si elle revisite, ici, un univers balzacien all stars oú l’on croise des personnages devenus noms communs (Rastignac style), Arielle Dombasle s’emploie depuis ses débuts en tant que réalisatrice, au début des années 80, à contourner les obstacles de production pour aborder tous les genres de cinéma sous l’angle d’un « arte povera » qui parvient toujours à conserver une certaine flamboyance. FrenchMania a rencontre l’actrice-réalisatrice pour évoquer Les Secrets de la princesse de Cadignan, son nouveau film.
Quelle pourrait être selon vous la ligne directrice des longs métrages que vous avez réalisé depuis Chassé Croisé en 1981 ?
Dans mes films, il y a toujours des structures secrètes, des conspirations invisibles. Pour Chassé Croisé, c’était presque sémantique puisque les mots révélaient l’histoire. Les Pyramides bleues, c’était la catholicisme régulier et le catholicisme séculier, et une histoire de secte dans laquelle j’étais prise. Opium était inspiré des stances de Plain Chant de Cocteau, la difficulté était que le moindre mot venait de Cocteau et que se dessinait une structure de tragédie musicale. Et pour Alien Crystal Palace, il y avait une conspiration ourdie par Michel Fau et des incursions fantastiques et conspirations souterraines.
Comment est venue l’idée d’adapter cette nouvelle méconnue de Balzac ?
La nouvelle est un peu, comme disait Balzac lui-même, le joyau de la couronne, c’est à dire qu’il y a l’essence de Balzac et tous les personnages de la Comédie Humaine, ou la plupart, et cela est une invention de fiction extraordinaire. On retrouve de roman en roman des personnage archétypaux devenus tellement forts comme Montriveau, ou Rastignac. C’est Jacques Fieschi, avant de recevoir le César du scénario pour Illusions Perdues, m’avait parlé de cette nouvelle et m’a dit que c’était pour moi. C’est là que j’ai vraiment découvert Balazac. J’avais lu La Peau de chagrin, les choses qu’on lit à l’école. Et puis, plus tard, Le Lys dans la vallée et avec le personnage de Madame de Mortsauf, je m’étais complètement identifiée. Ce que j’ai aimé là, c’est que j’ai compris le génie de Balzac. Baudelaire disait de lui que c’était un savant et un observateur, un grand homme dans tous les sens du terme. S’il y a une seule méthode d’écriture à retenir ce serait celle de Balzac. Il voulait créer un système proche des sciences, de la sociologie, son étude des mœurs est incroyable.
Qu’est-ce qui vous a particulièrement séduit dans cette nouvelle ?
Son féminisme ! Parce que le regard de Balzac sur cette femme qui est en fait une diablesse sauvée par son air angélique. C’est une héroïne qui est victime des conditions difficiles de sa vie pendant le Révolution de Juillet. Son mari rejoint Charles X et, elle qui a été une des reines de Paris se retrouve, au crépuscule de sa vie, ruinée et dépossédée de tout. Il ne lui reste que son nom qui la protège un peu. A travers l’amitié la Marquise d’Epard (Julie Depardieu dans le film, NDLA) qui confine à la pitié, elle va révéler par un récit son côté collectionneuse d’hommes qui a eu presque un harem. Elle instrumentalise les hommes, qu’elle voit comme des objets, comme les hommes voient les femmes en général. C’est en ça qu’elle est féministe et qu’elle ne va pas entrer dans la codification ou les convenances de l’époque et de ce milieu aristocrate. Elle brise tout cela et se penche sur les conditions des femmes mariées de force, ce qui était le cas de la majorité des mariages. La Princesse de Cadignan a une mystique de l’amour et c’est ce qui la rend moderne. Elle pense toujours que le grand amour peut arriver mais elle sa vie peut faire tellement peur qu’elle est obligée d’entrer dans le règne de la dissimulation. Balzac fait une ode à cet art de l’amour et à la dissimulation pour atteindre la grande mystique de l’amour. C’est d’une modernité incroyable. Et Balzac développe un regard tendre, observateur et admirateur. Il a été sauvé par des femmes dont il admirait la force et la beauté.
Michel Fau en Balzac, c’était une évidence ?
Michel Fau, c’est le Balzac le plus accompli et le plus rayonnant qu’on ait vu. Il est incroyable et merveilleux d’invention. Il a été comme toujours tellement formidable, c’est la personne la plus occupée de la terre, il n’arrête jamais de chanter, de jouer, de mettre en scène, d’être tantôt un homme tantôt une femme. Il est pour moi l’incarnation du génie.
Est-ce que le fait de devenir réalisatrice dès le début des années 80 était aussi un moyen de vous donner des rôles qu’on ne vous donnait pas par ailleurs ?
Non. C’est surtout que je suis toujours en train de filmer, depuis très longtemps. J’ai acheté une première petite caméra HD et j’ai toute une vie parallèle de films, de clips… qui est assez conséquente ! Je filme toute sorte de choses. C’est la grande liberté de l’artiste ! Peut-être que j’intimide, que je fais un peu peur aux cinéastes, mais j’aime beaucoup jouer dans des premiers films, assister aux débuts d’un réalisateur. Je vais très souvent au cinéma, beaucoup. Je suis souvent seule dans les salles. J’ai vu Oppenheimer assez tard sur les Champs-Elysées, nous n’étions que 7 dans la salle, que des hommes ! J’ai beaucoup aimé le film.
C’est drôle que vous évoquiez le film de Nolan car je comptais plutôt vous faire réagir sur son concurrent estival, Barbie !
Beaucoup de choses m’ont plus dans le film et j’ai trouvé cela très intelligemment fait. J’avais vu les précédents films de Greta Gerwig et j’avais notamment beaucoup aimé Les Filles du Dr March. J’aime sa manière de filmer, son univers. Comme je le chantais il y a deux ans maintenant dans Barbie Iconic, un titre écrit par Charlie Voodoo, Barbie est féministe ! On avait cette panoplie qui, en tant que petite fille, pouvait nous aider à nous projeter dans un futur : astronaute, rockeuse, skateuse, parachutiste, avocate, infirmière, femme au foyer, mannequin ou princesse !
Et quel serait le point commun entre Barbie et la Princesse de Cadignan ?
Le fait de ne pas faire fi de toutes les armes attribuées au genre féminin : l’apparence et le fait de pouvoir en jouer.