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Arras Film Festival (2) : Rencontre avec Christian Carion, “Arrythmia” et “The Miner”

par | 12 Nov 2017 | Interview

FrenchMania est partenaire du Arras Film Festival. Franck Finance-Madureira, co-rédacteur en chef, fait partie du jury presse du Syndicat français de la critique de cinéma sous la présidence de Philippe Rouyer (Positif, Le Cercle) et notre journaliste Valentin Carré suit la compétition européenne. Aujourd’hui, nous avons rencontré le président du jury Christian Carion et nous revenons sur deux films de la compétition qui en compte neuf.

Christian Carion, président du jury : « Le cinéma, c’est l’émotion et le partage et à Arras je suis servi ! »

Christian Carion, le réalisateur de Joyeux Noël, L’Affaire Farewell ou, dernièrement de Mon Garçon est le président du jury du Arras Film Festival. L’enfant du pays nous parle de son attachement au Nord, de son dernier film et de son projet en préparation…

Propos recueillis par Franck Finance-Madureira

Qu’est-ce que représente pour vous d’être le président du jury de cette 18ème édition du Festival d’Arras ?

Cela a de particulier que ma mère est très fière de lire mon nom dans son journal, La Voix du Nord ! Je suis honoré car Arras est dans mon cœur depuis que je suis tout petit. Revenir à Arras sur la grand place avec un très bon jury et se prendre en plus des claques de cinéma, c’est un vrai bonheur. Je suis très heureux car pour moi le cinéma, c’est l’émotion et le partage et à Arras je suis servi !

Il y a d’ailleurs une tradition que vous avez initiée et qui consiste à organiser les avant-premières de tous vos films dans une salle de la région …

Absolument, on va à 30km d’Arras, à Saint-Pol-sur-Ternoise. C’est une petite commune rurale de 4000 habitants qui est un peu enclavée. Il y a 12 ans, Joyeux Noël était susceptible d’être proposé par la France pour les Oscars mais il fallait qu’il y ait une exploitation avant le 30 septembre et UGC avait calé la sortie au 9 novembre. On a donc proposé de présenter le film dans une salle unique mais pendant une semaine complète avant cette date-butoir. On s’est retrouvé à présenter le film tous les jours, 4 séances par jour, un coup c’était Dany Boon qui présentait, une autre fois Diane Kruger ou Guillaume Canet, on y est tous allé. Cela a été un carton pendant une semaine et l’Académie des Oscars a même appelé la salle pour vérifier si nous disions vrai. Et finalement la France a choisi Joyeux Noël, j’ai pu aller aux Oscars grâce à la salle de Saint-Pol-sur-Ternoise ! Depuis, c’est devenu une salle-mascotte qui accueille la première de tous mes films ! C’est le record de taux d’occupation pour une commune rurale avec un seul écran ! C’est devenu culte et une sorte de fétichisme ! Christophe Rossignon, mon producteur, a emmené les autres réalisateurs qu’il produit et c’est rentré dans le « chemin de ronde » des avant-premières en France !

Avec la diversité des sujets et des genres abordés au cours de votre carrière, est-ce qu’il y a des velléités de s’arranger pour tourner dans cette région qui vous est chère ?

Joyeux Noël on n’avait pu tourner que deux semaines dans la région car suite à des problèmes avec l’armée on a tourné la majorité des scènes en Roumanie. Je n’écris pas pour des acteurs en particulier ni pour une région, c’est vraiment à partir de l’histoire que je me dis « Qui ? » et « Où ? ». Evidemment quand c’est possible, comme pour En mai, fais ce qu’il te plaît, on a tout tourné ici ! L’histoire vraie s’était déroulée ici et je tenais à ce qu’on ait une figuration locale car je savais que leur présence ne serait pas comme les autres, ils racontaient, ils figuraient dans leur propre histoire. Et c’est pendant ce tournage avec les chariots, les chevaux, tout ce bordel, j’ai dit à mon producteur : « Quoi qu’il arrive le prochain film sera plus léger à monter ».

D’où l’idée si particulière de Mon Garçon, sorti en septembre dernier, tournage léger, court, sur lequel Guillaume Canet ne savait absolument pas ce qui allait lui arriver !

Ce projet était parfait pour ce que je voulais faire. Peu d’acteurs, un film contemporain et un genre que j’aime : le polar, le thriller. J’aime les films de genre, c’est l’ADN du cinéma. Moi j’adore ça et j’avais vraiment envie de me cogner à ce genre et c’est un film qui s’est fait avec un maximum de liberté, j’écris le film avec ma femme en mai-juin, on tourne en novembre. Ça, ça n’existe pas ! Et j’ai poussé le côté expérimental en demandant à Guillaume de jouer sans avoir lu le scénario et on a tourné en 6 jours ! On s’est balancé dans le vide mais on connaissait la taille de l’élastique !

Et l’aventure du prochain film commence dès lundi, non ?

Je me suis embarqué à l’envie et à l’instinct sur une histoire vraie qui s’est déroulée au Canada donc je pars lundi à Montréal pour préparer tout ça ! Cela s’est passé dans le monde agricole qui m’est cher puisque j’y suis né et nous tournerons en langue anglaise car cela s’est déroulé dans la Canada anglophone. Je vais découvrir les lieux et les protagonistes de l’histoire et me nourrir de tout cela pour écrire un film de fiction. Le titre de travail c’est A free country, puisque c’est l’histoire d’un vieux paysan de 70 ans qui s’est battu pour sa liberté. Cela changera peut-être mais pour l’instant c’est ça !

Avant de quitter Arras, un petit conseil gastronomique s’impose, puisque c’est une autre de vos passions !

A Arras, il faut absolument aller au « Bistro du Boucher », chez Dédé, pour découvrir la bonne tarte au maroilles, une bonne bière et, en dessert, une bonne fleur de bière (à consommer avec modération, Ndlr).

Arras : La compétition européenne (2)

par Valentin Carré

En se concentrant sur le jeune cinéma de l’Est, la compétition européenne nous fait découvrir des films frais et surtout très politiques. Illustration avec Arrhythmia et The Miner qui, sous deux formes différentes, nous présentent des sociétés en constante révolution.

Arrhythmia

Oleg est un jeune urgentiste russe, qui aime son travail autant que l’alcool. Après une énième cuite, sa femme Katya, infirmière à l’hôpital, lui annonce qu’elle veut divorcer. Alors qu’il tente de sauver maladroitement son couple, sa direction lui impose de nouvelles règlementations insensées, aux dépens de la santé de ses patients. Pris entre ces deux feux, il tente de rester debout. Un joyeux bordel. C’est ce que le réalisateur Boris Khlebnkov expose dans Arrhythmia, nous plongeant au cœur de la Russie profonde. Suivant les tournées quotidiennes d’Oleg, on découvre en sa compagnie une société où la loi du marché a progressivement pris le dessus, laissant sur le carreau une population démunie. Issus d’une génération charnière post-URSS, Katya et son mari sont à la recherche d’une humanité qui semble avoir disparu de cette triste campagne. Aussi libre dans sa mise en scène que dans son interprétation, Arrhythmia est un film généreux et raisonnable. C’est tout en finesse que le réalisateur russe développe son discours politique, sans jamais tomber dans la critique facile. Profondément humain, il prend le contrepied du dernier prix du jury cannois Faute d’Amour, préférant mettre en lumière l’espoir plutôt que la désolation.

The Miner

Employé depuis 30 ans dans une mine de charbon en Slovénie, Alija, bosniaque de naissance, vit avec sa femme et leurs deux enfants. Pour un contrôle de routine, on l’envoie seul dans une mine abandonnée. Au fond de ce tunnel, il découvre les traces d’un terrible secret. Poussé par la mémoire de sa sœur Mirsada assassinée lors du massacre de Srebrenica, il va, seul contre tous, tenter de faire la lumière sur ce mystère enfoui. Dans une région successivement touchée par la Seconde Guerre Mondiale puis par le conflit yougoslave, l’Histoire reste encore aujourd’hui un sujet extrêmement sensible. Avec The Miner, la réalisatrice expérimentée Hanna Slak s’attaque au traumatisme de cette mémoire sanglante. Bien que classique par sa mise en scène et sa narration, l’intérêt du film tient dans le personnage d’Alija qui doit avancer malgré l’impossibilité de faire le deuil de sa sœur. Le film tente de faire le lien entre ce passé lourd de culpabilité et l’innocence de la nouvelle génération, la première qui n’ait connu aucune guerre. Une manière de libérer la parole et de se tourner vers le futur, plutôt que de ressasser les blessures du passé.

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