Le premier long métrage de Benjamin Parent est en salles depuis le 8 janvier. Un Vrai bonhomme met en lumière une belle bande de jeunes comédiens parmi lesquels la révélation Benjamin Voisin, vu dans Bonne Pomme, The Happy Prince ou encore la mini-série de Philippe Faucon Fiertés. FrenchMania avait recontré les deux Benjamin au Festival d’Arras pour évoquer ce teen movie sensible.
Quelle a été la genèse d’Un Vrai bonhomme qui sort 7 ans après votre court métrage multi-récompensé Ce n’est pas un film de cow boy ?
Benjamin Parent : Tout commence à la Semaine de la Critique à Cannes en 2012 où mon court est présenté, remporte la Queer Palm et fait ensuite une tournée incroyable. Ce film m’a ouvert beaucoup de portes et m’a permis de comprendre peu à peu quel auteur j’étais. J’ai compris que mon sujet c’était de parler des injonctions de la virilité, de la masculinité. Ma pensée s’est structurée notamment via la lecture récente du Mythe de la virilité d’Olivia Gazalé qui est génial et que tout le monde devrait lire ou Les Hommes justes d’Ivan Jablonka. En travaillant sur la série Les Grands que j’ai co-créée en 2014 avec Joris Morio pour OCS , je galérais sur l’écriture. Pendant un brainstorming, j’ai parlé de mon enfance, du fait que j’étais très petit et on est parti de là, de l’histoire d’un garçon qui a un grand frère grand, beau, fort et solaire. Au bout de 10 minutes, quelqu’un a dit, et je crois que c’est moi mais je n’en suis plus sûr, “et il est mort“. Là, on s’est dit qu’on tenait un truc. Mais on ne pouvait pas intégrer ça à la série et je l’ai mis de côté. Deux ans plus tard, lors d’un rendez-vous avec des productrices, je leur ai parlé de ça et elles ont été emballées.J’ai ensuite écrit en m’inspirant énormément de choses que j’avais vécues avec Théo Courtial. J’ai injecté des éléments que j’avais développés sur un premier projet très personnel que je n’arrivais pas à écrire car je manquais de distance. Je me suis inspiré de mon adolescence, de mes frustrations, du fait que, biberonné aux super-héros depuis l’âge de 5 ans, j’étais mal dans mon corps et je voulais être un surhomme. J’avais des posters de Schwarzenegger et de Van Damme dans ma chambre et mon frère celui de Stallone. Et si c’était ça des hommes, je pouvais me demander ce que j’étais puisque je ne correspondais pas à ça !
Dès l’écriture il y a eu la volonté d’utiliser certains codes de teen movie américains qu’on a tous en tête et de les saboter de l’intérieur ?
Benjamin Parent : Évidemment j’ai grandi avec les films de John Hugues. Ferris Bueller, c’est cultissime pour moi comme pour beaucoup de gens. Et mon écriture se tourne beaucoup vers ça tout en essayant d’avoir un côté responsable, ce qui veut dire que je ne veux pas faire la promotion de certains archétypes. Quand on veut imaginer en France un type qu’on identifie comme le capitaine de l’équipe de foot, il n’y a pas vraiment d’équivalent, donc j’ai choisi de parler de ce que je connaissais, la banlieue “molle” comme Meaux en Seine-et-Marne où j’ai grandi. Il y a à la fois un côté cité, une zone pavillonnaire et la campagne. Et très naturellement d’y adapter les codes, un mâle alpha vu comme un dur, c’est forcément quelqu’un de fragile pour avoir besoin d’une telle carapace.
Benjamin Voisin, comment avez-vous réagi quand Benjamin Parent vous a proposé de jouer un mort ?
Benjamin Voisin : J’ai dévoré le scénario et je me suis vraiment dit que je voulais ce rôle. Je voulais absolument jouer ce personnage-là ! C’est assez loin de ma personnalité, on a beaucoup travaillé avec Benjamin. J’adore travailler sur les contrastes, sur le noir et le blanc à la fois. Et le personnage de Léo donne à voir quelque chose de très solaire, son coté star du basket, mais ce qui était intéressant c’était de faire émerger son côté sombre, que les gens ne voient pas de prime abord.
Benjamin Parent : Il est le “Léo” idéalisé mais représente également l’instinct qu’ont les hommes et qui est une sorte d’héritage culturel qui se rapporte au fait qu’un homme doit “avoir des couilles”, etc … Il est celui qui va pousser à prendre des mauvaises décisions basées sur l’orgueil. Je voulais que cela soit incarné. Il ne fallait pas dédouaner Tom de ses accès de colère mais montrer qu’on peut s’en séparer. On voit au début du film que Léo ne parvient pas à tenir tête à son père. Il voudrait s’échapper mais il n’en aura pas l’opportunité.
Benjamin Voisin : Dès la première scène, la première image de Léo, c’est la lumière du jardin qui arrive et lui qui s’en protège, c’est symbolique du rôle qu’il a à tenir à force d’être toujours dans la lumière. Quand il est seul il s’en protège et il s’en cache mais autrement il n’a pas le choix, il a un rôle à tenir.
Benjamin Parent : Je me dis toujours que j’aurais du avoir la main plus lourde sur certains effets qui passent à l’as, je ne suis pas sûr que le public n’a pas le temps de comprendre certaines choses ! Quand il est dans la voiture, il ferme la porte, il y a un changement de musique et son seul acte de rébellion ce n’est pas la colère mais de fumer un joint parce que son père lui repète spécifiquement de ne pas en fumer. Le personnage de JB lui est vraiment libre, il dégage une espèce de nonchalance tranquille malgré son côté hypocondriaque mais c’est un personnage qui est la clé parce qu’il réussit à vivre.
Et le personnage féminin dont le héros tombe amoureux ne correspond pas aux modèles habituels …
Benjamin Parent : Tasmin Jamlaoui qui est super et très jolie, c’est une femme qui a des formes et ce que j’aime c’est l’espèce d’autorité qu’elle dégage, elle pourrait être une impératrice ou une amazone avec ce port de tête. Je voulais que Tom soit attiré par la force qu’elle dégageait. J’aimais bien l’idée de ce personnage en recherche de vérité après avoir quitté Steve, le beau gosse sportif. Je voulais vraiment que le personnage de Clarisse dégage quelque chose de droit, de noble.
Benjamin Voisin : Benjamin a un vrai talent pour travailler sur le cliché avec douceur, du coup il structure les choses pour que chaque personnage puisse être familier, abordable et contrasté.
Benjamin Parent : A part les parents je voulais que les personnages d’adultes soir un peu caricaturaux, un peu archétypaux parce que j’aime bien l’idée que c’est le regard qu’on porte sur eux qui est rendu à l’écran.
Et cet univers des super-héros dont vous parliez vous l’avez injecté avec pas mal de références …
Benjamin Parent : L’idée, c’était de dissimuler ça dans le film. Pour moi, Tom et Léo sont les deux versants de Hulk, avant et après la transformation, ils s’appellent Bannière en référence à Bruce Banner, et Léo a un tee-shirt vert et un bombers prune comme le short de Hulk une fois transformé. Le nom de famille de Clarisse (Danvers) fait référence à Captain Marvel, je me suis fait mes petits délires !