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Borgo de Stéphane Demoustier

par | 15 Avr 2024 | CINEMA, z - Milieu

Le baiser de la mort

Débarquée en Corse, avec mari et enfants, après des années comme surveillante à la prison de Fleury, Mélissa (Hafsia Herzi) découvre le centre pénitentiaire de Borgo. Ici, les détenus corses vivent en régime ouvert. Toute la journée, ils écoulent le temps en communauté dans une forme d’autogestion avec cuisine, salle de sport ou salle de jeux. Un endroit quasi pacifique où les conflits des clans semblent apaisés. Une illusion, bien entendu, puisqu’ils persistent derrière les murs. D’ailleurs, un double assassinat visant deux figures du grand banditisme local a été commis en pleine journée à l’aéroport de Bastia-Poretta. Après La Fille au bracelet (2020), film de procès solide et tendu, Stéphane Demoustier s’intéresse de près à un autre fait divers, poursuivant son exploration des thèmes de la culpabilité et de l’innocence à travers une affaire remplies de zones d’ombres. En adaptant librement les faits, il suit l’enquête de deux policiers, incarnés par Michel Fau et Pablo Pauly, dans l’analyse des images de vidéo-surveillance des caméras de sécurité, et en parallèle, la difficile acclimatation de Mélissa sur l’île de beauté, dans un montage alterné, comme si les deux récits se situaient dans le même espace temporel. Progressivement en jouant des codes du polar, plus lumineux que noir, Borgo avance vers une seule et même histoire dont le coeur battant n’est autre que le personnage de Hafsia Herzi, magnétique et impénétrable. La matonne se retrouve très vite prise en piège de deux huis clos, celui de la prison où elle travaille et celui de l’île où sa famille est confrontée au racisme. L’intégration à la société corse ne pourra se faire que par l’intervention (non demandée) d’un détenu qu’elle connait, Saveriu (Louis Memmi). Une protection contre des informations, l’engrenage de la dette est lancé, sans échappatoire possible. Mais l’opacité derrière le regard et le visage mélancolique de celle que les prisonniers surnomment “Ibiza” (en référence à la chanson de Julien Clerc) laisse planer sur le film une mystérieuse ambiguïté dans son comportement face à l’altérité mafieuse. Cette métamorphose progressive en héroïne romanesque complexe trouble autant que le film de Demoustier percute.

Réalisé et écrit par Stéphane Demoustier. Avec Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Michel Fau, Pablo Pauly, Cédric Appietto… Durée : 1h58 – Le Pacte – En salles le 17 avril 2024.

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