La musique est au cinéma ce que le sel et le poivre sont à la cuisine, indispensable. La pluie d’hommages à Michel Legrand, récemment disparu, prouve à quel point la musique est, pour toujours, imprimée dans la tête et le cœur des cinéphiles. Qu’auraient été les films de Claude Sautet sans les compositions de Philippe Sarde ? Ceux de Claude Lelouch sans l’influence de Francis Lai ou les films de Jacques Audiard sans celle d’Alexandre Desplat ? Toute l’année, la Sacem met en lumière les composteurs et compositrices des films du festival. Nous avons, à quelques jours du début du festival, posé trois questions à Jean-Noël Tron, directeur général de la Sacem.
Y a-t-il un enjeu ou un défi particulier pour la Sacem à Cannes ?
Le festival de Cannes est le premier festival au monde pour le cinéma. Pour la Sacem, qui en est partenaire institutionnel, c’est un enjeu de visibilité majeur pour les compositeurs. Nombreux sont nos membres qui travaillent principalement pour le cinéma. Beaucoup travaillent dans le monde entier, où le talent des compositeurs français de musique de film est reconnu. Cannes représente une très belle occasion dans l’année de mettre en lumière leur métier, comme nous le faisons avec notre Masterclass, ou la présentation d’une personnalité majeure qui oeuvre pour la reconnaissance du compositeur, co-auteur du film, avec notre opération A life in a soundtrack, autour de Bertrand Tavernier.
On remarque qu’il y a dans la sélection peu de compositrices. Que met la Sacem en œuvre globalement (à l’année) pour donner plus de visibilité aux compositrices ?
A la Sacem nous comptons seulement 17% de compositrices alors que l’adhésion à leur société est non discriminatoire. Pourquoi ? Cette question est au cœur du travail d’un Groupe Égalité Femmes Hommes composé d’administratrices en poste ou non à la Sacem : les autrices Christine Lidon et Elisabeth Anais, l’autrice réalisatrice Marion Sarraut, l’auteur Frédéric Doll, l’éditeur Thierry Perier. Ils se sont donnés comme ambition d’activer les bons leviers pour corriger le déséquilibre Femmes Hommes que nous constatons dans les chiffres. L’action culturelle, levier essentiel également, travaille également avec ce groupe de travail. Il s’agit d’une démarche où il faut changer aussi les mentalités, ce qui est très long, mais le groupe Égalité travaille sur plusieurs leviers :
- identifier les freins qui amènent les femmes à peu choisir la carrière de création, alors que la musique est pourtant une activité « non genrée » à la base (autant de filles que de garçons font de la musique dans l’enfance, contrairement, par exemple, à certains sports, très masculins, ou à l’inverse à une pratique artistique comme la danse, essentiellement féminine. Une étude est en cours aussi bien sur les chiffres que sur des aspects qualitatifs avec des «entretiens parcours et carrière ».
- proposer des portraits de femmes ayant choisi la carrière musicale – tous types de métiers – pour offrir aux jeunes filles des modèles auxquels s’identifier afin qu’elles se sentent prêtes à choisir ces métiers. C’est dans ce but aussi que le musée en ligne de la Sacem présente deux expositions sur les grandes femmes de la musique à travers l’histoire, souvent étonnement méconnues.
- travailler sur la formation initiale et continue pour lutter contre le sexisme et proposer des outils d’autonomisation aux femmes.
- développer un réseau professionnel et de mentorat pour les femmes dans les métiers de création et de la musique.
- réfléchir à un financement égalitaire des projets de création portés par des femmes ou majoritairement féminins via notre action culturelle.
C’est en traitant, par étapes, l’ensemble de ces sujets que la place des femmes et leur représentation pourra évoluer de manière durable.
Quelles sont les autres actions mises en place tout au long de l’année pour défendre la musique de films et ses compositeurs ?
L’Action Culturelle de la Sacem soutient la création de musique originale via notamment son programme « Création de musique originale » (9 formats : documentaire, fiction TV, formats digitaux et innovants, long métrage de fiction, court métrage, séries fiction et animation/ TV Unitaire et série et les jeux vidéo (dont le lancement est prévu cette année.) Outre ces programmes d’aides, la formation et l’insertion professionnelle des compositrices et compositeurs, notre action en direction des festivals audiovisuels incite les organisateurs à inclure et valoriser les créatrices et créateurs dans leurs programmes. Cela se traduit par des actions concrètes comme le fait de les inclure au sein d’un jury, inviter systématiquement les compositrices ou compositeurs au même titre que les réalisatrices ou
réalisateurs pour présenter leurs films, avoir un Prix de la meilleure musique originale au palmarès, donner davantage de visibilité à la musique au travers de master classes, de leçons de musique, d’interviews, de portraits, etc. De plus, la Sacem soutient les organismes professionnels représentant les compositrices et compositeurs tels que le SNAC, l’UNAC ou l’UCMF et les accompagne tout au long de l’année. Et, nous travaillons étroitement avec les ministères et nos sociétés sœurs en France et à l’international pour une vision globale. Nous avons notamment développé des programmes en collaboration avec le Ministère de l’éducation nationale et la SCAM comme La fabrique à Musique de Film et Brouillon d’un rêve
Zoom sur les talents français et francophones
Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin (Compétition Officielle)
Grégoire Hetzel compositeur – France
Grégoire Hetzel se fait remarquer au début des années 2000 pour ses collaborations avec le réalisateur Arnaud Desplechin. De la pop au jazz en passant par la musique classique et électronique, sa capacité à explorer différents registres lui a permis d’être nommé à trois reprises pour le César de la meilleure musique originale.
Matthias et Maxime de Xavier Dolan (Compétition Officielle)
Jean Michel Blais compositeur – Québec
Grâce à un habile mélange entre savoir-faire classique, sensibilité pop et accompagnement synthétique, Jean Michel Blais parvient à créer un environnement unique et intime. Après avoir abandonné une formation classique au conservatoire, le compositeur a redécouvert dans sa vie d’adulte son amour pour la musique. Trois albums sont parus : II (2016), Cascades (2017) et Dans ma main (2018).
Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (Compétition Officielle)
Para One compositeur – France
Après quatre albums qui bousculent les frontières de la musique électronique, Para One a ajouté une corde à son arc en composant les bandes originales des films de Céline Sciamma. Sa collaboration avec la réalisatrice sur Bande de Filles lui a valu d’être nommé aux Césars en 2015.
Les plus belles années d’une vie de Claude Lellouch (Hors compétition)
Francis Lai / Calogero compositeur – France
53 ans après la sortie du mythique Un homme et une femme, Francis Lai retrouve les personnages de Claude Lelouch. Le compositeur a pu finaliser ses partitions en collaboration avec le chanteur Calogero avant sa disparition le 7 novembre 2018.
La Belle Époque de Nicolas Bedos (Hors compétition)
Anne-Sophie Versnaeyen compositrice – France
Anne-Sophie Versnaeyen retrouve Nicolas Bedos sur cette deuxième réalisation après Monsieur & Madame Adelman (2017).
Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbe-Mevellec (Un Certain regard)
Alexis Rault compositeur – France
Diplômé du Conservatoire de Rennes, il a commencé sa carrière en première partie de Renan Luce et Michel Delpech, il se tourne ensuite vers la musique de films et signe les bandes originales de nombreux succès français. Il signe entre autre la musique du premier film tragi-comique de Anne-Gaëlle Daval avec Florence Foresti.
Papicha de Mounia MEDDOUR (Un Certain regard) Rob compositeur – France
Connu
pour ses collaborations avec Sébastien Tellier ou Phoenix, l’expérience
cinématographique de Rob naît en 2005 avec le court-métrage Pink Cowboy Boots de
Maria Larrea. Il signera ensuite plus d’une dizaine de musiques de
films, dont celle de Populaire qui lui vaudra une nomination pour aux
Césars en 2012. Il signe aussi la Musique originale de la série Le Bureau des légendes dont le magnifique titre “Trust” avec Jeanne Added.
Jeanne de Bruno Dumont (Un Certain regard)
Christophe (Daniel Bevilacqua) compositeur – France
Le chanteur Christophe succède à IGORRR pour cette la suite de Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc (Quinzaine des réalisateurs 2017). En 1967, Christophe signe la bande originale du film La Route de Salina, de Georges
Lautner, sa seule incursion dans le domaine cinématographique jusqu’à Tirez sur le caviste d’Emmanuelle Bercot pour la télévision en 2009. En 2017, il compose aussi la musique du film M de Sara Forestier.
Yves de Benoit Forgeard (Quinzaine des réalisateurs)
Bertrand Burgalat compositeur – France
Bertrand
Burgalat est un producteur, musicien, compositeur, arrangeur et
chanteur. Il a travaillé sur près de 200 disques. Au cinéma, il a signé
les musiques de films de Valérie Lemercier ou d’Eva Ionesco. Lui-même
interprète, il a publié neuf albums sous son nom sur label Tricatel,
qu’il a fondé en 1995.
Tlamess de Ala Eddine Slim (Quinzaine des réalisateurs)
Oiseaux Tempête groupe – France
Oiseaux Tempête est un quatuor composé de Frédéric Dorlin Oberland, Stéphane Pigneul, Paul Regimbeau et Jean Michel Pires. Le collectif de free rock créé en 2012 oscille entre le jazz, les musiques arabes, la noise,
l’expérimental et parfois le punk.
J’ai perdu mon corps de Jeremy Clapin (Semaine des réalisateurs)
Dan Levy compositeur – France
Dan
fait partie des compositeurs impliqués dans la musique de L’empire des
loups. Il y rencontre Olivia Merilahti le producteur Tom Dercourt et
Loïc Dury avec lesquels il travaille sur Camping sauvage puis The
passenger.
Il travaille par ailleurs pour la danse contemporaine, et forme avec
Olivia le groupe “The Do”. Le duo est récompensé en 2015 par une
Victoire de la Musique dans la catégorie Meilleur album rock de l’année.
Le Miracle du Saint Inconnu de Alaa Eddine Aljem (Semaine des réalisateurs)
Amine Bouhafa compositeur – France – Tunisie
Ici
Amine Bouhafa signe la musique du premier film d’Alaa Eddine Aljem. Sa
première fois à Cannes fut en compétition officielle, avec Timbuktu. La seconde fois à Un Certain Regard, avec La belle et la meute. Puis l’année
dernière à la Quinzaine des réalisateurs avec Amin. Il complète ainsi son palmarès des festivals avec la Semaine de la Critique.
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