La semaine dernière s’est achevée l’édition 2022 du Cartoon Forum à Toulouse. Pas moins de 1075 participants originaires de plus de 40 pays, et la parfaite parité des genres dans la répartition des inscrits. Pas moins de 37 productions ou coproductions d’animation françaises étaient présentées parmi 80 projets. Kévin Giraud était sur place pour FrenchMania.
Par Kévin Giraud
C’est à Toulouse, en ce chaud mois de septembre, que se crée dans une ambiance bon enfant l’animation européenne de demain. Car à Cartoon Forum, autour d’un croissant show, d’un verre de rosé ou d’un aligot, les pontes des grandes chaînes et des plateformes discutent avec les producteurs de séries animées d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Pendant trois jours, les pitchs fusent, venus des quatre coins d’Europe et présentés par des studios qui n’ont pas froid aux yeux. Rivalisant d’inventivité, ces artistes prêchent la bonne parole en deux ou trois dimensions, avec à la clé le sésame vers des coproductions, des distributions à grande échelle, et le petit coup de pouce qui fera de leur dernier rêve un peu fou une réalité pour des milliers de spectateurs.
Événement européen, Cartoon Forum est tout de même trusté par près de quarante projets français, qu’ils soient déjà financés ou encore seulement à l’état embryonnaire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’animation tricolore a le vent en poupe.
En l’absence de Fortiche – studio multi-primé à l’origine du succès Arcane et peut-être la boîte à l’ascension la plus fulgurante de ces dernières années – les locomotives de ce Cartoon Forum 2022 s’appellent Ellipse Animation, Cyber Group Studios, entre autres. Avec de gros succès à leur actif allant des Schtroumpfs à Miraculous, issus tout autant du patrimoine littéraire francophone que de créations originales. Et c’est justement dans cette seconde catégorie que les projets les plus forts et les plus ambitieux apparaissent. À l’image de La Sterne, série post-apocalyptique aux accents steampunk se déroulant au-dessus des nuages, dans une éternelle migration des derniers restes de l’humanité. Un univers paradoxalement lumineux et magnifique, où les personnages de Tony Valente, créateur de Radiant, évoluent avec une vivacité digne des meilleurs anime japonais. Ou encore comme Lila et Kolos, fable déjantée où l’univers de Conan le Barbare rencontre celui des Poney licornes et de Gumball sous la patte décalée mais précise et efficace des studios français Andarta Pictures (La quête d’Ewilan) et belge Squarefish. Une infinité de possibles, l’animation permet d’exploser les cadres du réel, ou de revisiter l’Histoire avec Leo’s Workshop (Foliascope). Tout en proposant des impressions de vie, d’énergie et d’âme toujours plus fortes, toujours plus captivantes.
Pour autant, l’adaptation de séries littéraires à succès, ou IP comme on dit ici dans les couloirs, reste l’un des axes majeurs de la production nationale, et ce dans des styles très variés. Des plaines battues par le vent de Bergères Guerrières, porté à l’écran par les nantais de L’incroyable studio, aux terrains de foot animés de l’école de Louca, carton des éditions Dupuis, la diversité du neuvième art francophone se transpose vers les écrans de tous les publics. Et ce jusqu’aux adultes, cible affichée de projets comme Putain de chat (Autour de Minuit), énième et hilarante série sur nos meilleurs ennemis félins. Mais aussi avec Planthéon (Ikki Films), ou l’histoire réelle des pires malchanceux de l’Histoire.
Certes, l’audience qui fait le plus frétiller les investisseurs, c’est celle des adolescents, voire des préadolescents, les tweens car lorsque ces jeunes désertent les pages des livres pour se consacrer aux écrans, l’animation devient une arme pour construire les marques et fabriquer les succès, à l’image des success stories japonaises comme Naruto, One Piece et consorts. Convertir et conserver cette audience devient le défi ultime, un graal que peu atteignent. Fort heureusement, il en restera plus d’un à la fin, tant les médias sont nombreux, et la demande toujours plus forte. Avec une tendance plutôt à l’hétéroclisme, enfin pour l’instant.
En ce sens, les productions françaises mais aussi européennes ne sont pas en reste, et le focus sur l’Espagne mis en place cette année par le salon le confirme. De tous côtés, l’on rencontre des productrices passionnées, des réalisateurs déjantés, des investisseuses attentives et des programmateurs curieux. Seul bémol pour l’impatient, les projets présentés ici ne verront le jour que dans plusieurs mois, voire années. Avec des plannings de production s’étalant parfois jusqu’à 2025, il ne faut pas être pressé. Mais cela n’empêche pas de pouvoir se projeter dans ces univers merveilleux. Chacun unique en leur genre, mais tous reliés par cette magie qui est celle de l’animation, un cinéma de tous les possibles.
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