Entre frères et chiens
Quand le cinéma français explore les territoires en dehors de Paris, il a pris l’habitude de tourner ses caméras vers les banlieues et les campagnes paysannes. Ils sont rares les cinéastes, comme Jean-Baptiste Durand, qui osent se glisser dans ces petites bourgades où la jeunesse n’a rien d’autre à faire que de traîner ensemble dans les rues ou sur les bancs des places principales. Les jours se ressemblent dans ce village de l’Hérault, où Morales, traîne son ennui et sa solitude enfouie entre les vieilles pierres qui entourent les ruelles. À ses côtés, deux fidèles compagnons, son chien Malabar et son meilleur ami d’enfance, Dog (Anthony Bajon). Un surnom peu hasardeux puisqu’il entretient étrangement à peu près la même relation de domination et de fidélité avec les deux. Personnage complexe au bagou affirmé, Morales prend de la place, cause beaucoup et taquine assez violemment Dog, frôlant souvent l’humiliation publique. Mais derrière cet aspect tchatcheur, ce garçon préfère lire et dealer que de se faire embaucher dans un restaurant du coin comme le veut la suite logique de l’obtention de son CAP cuisine. Ses projets, il les voit ailleurs, dans les grandes villes, pourtant, il semble retenu par les relations d’interdépendance avec ses proches : sa mère dépressive qui ne se nourrirait pas sans lui, et surtout Dog, le taiseux, avec qui il passe le temps. Chien de la casse raconte ce duo bancal, une bromance tenue par des maladresses affectives où chacun peine à trouver sa place. Jusqu’au jour où Dog dépose au village, une étudiante auto-stoppeuse venue s’installer quelques mois dans la maison de sa tante. Elsa (Galatea Beluggi), devient l’élément perturbateur, en provenance de l’extérieur qui va révéler les deux protagonistes à eux-mêmes. L’histoire d’amour naissant avec Dog va provoquer chez Morales une jalousie profonde et va permettre d’interroger les rapports de force. Sans jamais apposer de psychologie, le cinéaste aborde comme rarement les liens qui unissent les amis non-choisis, ceux qui comme des frères squattaient le paysage de l’enfance et à qui on jurait fidélité par un pacte invisible. Jean-Baptiste Durand casse les préjugés et les stéréotypes dans lesquels son premier long métrage pourrait se glisser. Social mais jamais explicatif, drôle sans être une comédie, Chien de la casse est un véritable film de langage, où les dialogues donnent rythme et corps aux comédiens. Et notamment où Raphaël Quenard, peut enfin prendre toute la place qu’il mérite – sans jamais vampiriser les autres – après avoir été aperçus dans de nombreux seconds rôles ces dernières années.
Réalisé et écrit par Jean-Baptiste Durand. Avec Raphaël Quenard, Anthony Bajon, Galatea Beluggi… 1h33 – En salles le 19 avril – Bac Films.