Cinéma au féminin pluri(elles) de Patrick Fabre
La parole aux femmes, enfin !
La montée des marches des 82 femmes de cinéma lors de la dernière édition du Festival de Cannes marquant l’avènement du projet 50/50 en 2020 est un début pas une finalité. Ces 82 femmes représentaient les 2% de films réalisés par des femmes présentés en compétition à Cannes depuis la naissance du plus grand festival de cinéma du monde. C’est cet événement à la fois joyeux, triste, révoltant, merveilleux et solennel qui ouvre le documentaire de Patrick Fabre (multidiffusé et visible en replay sur Canal+) et de nombreuses questions.
Balayant une bonne partie des enjeux, Cinéma au féminin pluri(elles) fait avant tout le choix de laisser la parole aux concernées, les femmes de cinéma. Cela paraît tellement évident qu’on ne devrait pas être surpris, pourtant la démarche fait figure de quasi exception puisque, on le sait, quelque soit le sujet, la parole est toujours donnée en priorité aux mâles hétéros blancs qui sont supposés détenir la vérité universelle. Rien que pour ça, la démarche de ce film est signifiante et importante. Mais, mieux encore, cette parole est mise en valeur (les cadres élégants, les ambiances variées, les rappels chiffrés et documentés en voix-off) et très intelligemment articulée par un montage très fin.
Partant de la question-prétexte de savoir ce qu’est un « film de femme », le film ouvre surtout toutes les pistes politiques et artistiques pour comprendre comment les femmes font des films et dans quel contexte, mêlant avec intelligence les mots de la création et les affres de la pratique du cinéma en France. Le constat est criant : le manque d’argent, de confiance, de considération auxquelles ont été confrontées depuis leurs débuts les femmes réalisatrices et productrices qui interviennent saute aux yeux et aux oreilles. Plus encore, les propositions, les idées, les pistes d’amélioration sont formulées et prêtes à être mises en pratique.
Les mots, les ressentis, les chiffres, tout concourt à faire réfléchir, à avancer, à soutenir cette révolution en marche qui parait si lente. Les femmes qui témoignent apportent toute une pierre différente, singulière à cet édifice nécessaire. Le doux recul d’Agnès Varda fait le pont entre les générations mais on est surtout emporté par la radicalité de Catherine Corsini, de Lidia Terki ou encore de Stéphanie Pillonca, des réalisatrices qui osent mettre les pieds dans le plat avec une détermination salvatrice. Continuons le combat !