Du côté des films indépendants et engagés, le cinéma La Clef sort des sentiers américains ou franco-français. Ce lieu empreint d’histoire, qui a conservé son aspect d’époque, a vu le jour en 1969 dans le quartier de la Sorbonne.
La Clef se trouve à l’écart de toutes les salles indépendantes regroupées près du boulevard Saint Michel. Ses deux salles aux ambiances feutrées – l’une est recouverte d’une moquette verte, l’autre d’un épais maillage brun – évoquent l’héritage des seventies. L’Art contemporain s’invite aussi via cette étrange sculpture de clé déstructurée dans la salle 1 ou cette œuvre abstraite évoquant Kandinsky dans la deuxième.
Au charme désuet de ce cinéma s’ajoute sa singularité éditoriale. La Clef s’est démarquée, et ce depuis sa création, par une programmation volontairement militante. Son actuel gérant revendique toujours « un projet à la fois politique et culturel ». Lieu emblématique pour la diffusion des films latinos, africains ou d’Europe de l’Est dans les années 1970 et 1980, La Clef conserve aujourd’hui ce désir de promotion d’un autre cinéma, de films inédits ou confidentiels, qui assoit son engagement. La programmation est le fruit d’une sélection rigoureuse parmi des œuvres contemporaines qui, toutes, portent un regard différent sur le monde, s’éloignant des représentations ethnocentrées. « Il y a des façons de raconter des histoires qui sont différentes d’une culture à l’autre », se passionne Raphaël Vion. Depuis la reprise du cinéma fin 2010, le responsable – également programmateur – met un point d’honneur à valoriser le cinéma maghrébin, égyptien, colombien, italien… à travers des avant-premières, des projections uniques et des festivals qui dynamisent et caractérisent la programmation. Créer du lien, générer le dialogue, échanger : « Mon rêve était de faire en sorte que les communautés se mélangent, que toutes ces cultures s’intéressent les unes aux autres. En réalité, ce genre d’événements marche beaucoup via les réseaux sociaux, et ce système est malheureusement très communautaire. On n’a pas encore réussi à faire venir des spectateurs brésiliens à un festival maghrébin et vice-versa. ».
Au menu, peu de films français ou nord américains (qui composent tout de même plus de 80% de la programmation des salles françaises actuellement) même si le cinéma commence à faire quelques exceptions. Derniers exemples en date : Good Time, Logan Lucky, ou Les grands esprits. Un cinéma indépendant qui s’adapte donc partiellement à l’offre et la demande tout en capitalisant sur son répertoire inédit dans l’optique de rameuter la jeunesse : « Rendre notre programmation plus sexy nous permet d’attirer les étudiants, qui malgré la proximité de la Sorbonne, sont extrêmement rares » regrette Raphaël Vion. A noter que La Clef (seul cinéma associatif de la capitale) traverse actuellement une période délicate pour des raisons immobilières, et son avenir reste incertain pour 2018. Une position inconfortable pour Raphaël Vion, ancien distributeur qui a réalisé un « rêve de gosse en devenant directeur de cinéma » et qui aurait pour ambition de lui donner un sacré coup de neuf si l’affaire tourne en sa faveur. « On n’est pas qu’un cinéma de quartier, on est beaucoup plus que ça ! ». Le message est clair.
La Clef
34 Rue Daubenton
75005 Paris
Tarifs : 8€ et 6,50€
Cartes CIP, UGC illimitées et Gaumont le Pass acceptées