FrenchMania est en ce moment à Montréal pour suivre le beau festival Cinemania dédié au cinéma francophone et qui organise cette année pour la première fois des rencontres professionnelles autour de ce sujet. Pour l’occasion, nous avons rencontré quelques-unes de personnalités invitées pour échanger avec elles sur leur rapport à la francophonie. Aujourd’hui, conversation avec deux réalisateurs en compétition : la québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette (Chien blanc) et le français Sébastien Marnier (L’Origine du mal).
Anaïs Barbeau-Lavalette : “La francophonie c’est mon joyau, mon trésor“
Quel est votre rapport à la francophonie ?
Anaïs Barbeau-Lavalette : Quand tu nais au Québec et que tu es un artiste et que tu prends soin des mots, tu es très conscient de la fragilité de la langue. La francophonie c’est mon joyau, mon trésor. J’écris aussi des livres et c’est vraiment ma matière première que je n’échangerais pour rien au monde. Ici on a toujours une espèce de vigilance par rapport à ça, on est très alerte et depuis toujours sur la santé du français et, dans la culture on est en première ligne. Chien blanc est un film bilingue en français et en anglais mais c’est une œuvre francophone adapté d’un livre de Romain Gary. On n’as pas réussi à monter une coproduction parce que la période de la covid n’a pas aidé et qu’on voulait vraiment aller au bout du projet rapidement. On n’a pas été capable de lever les fonds des deux côtés de l’Océan ! Tout a été bouleversé pendant cette période. Mais ça y est, après avoir fait l’ouverture de Cinemania, le film est sorti cette semaine au Québec
D’où est né l’idée d’adapter Chien blanc, le livre d’un Français comme Romain Gary
Anaïs Barbeau-Lavalette : C’est avant tout son libre le plus américain, il y a des résonnances territoriales claires. Le fait aussi que ce soit une histoire vraie et qui traite de sujets très discutés aujourd’hui : la question raciale, celle du blanc privilégié au cœur d’une lutte qui n’est pas la sienne et qui pourtant le bouleverse. Tout tourne autour de la question : C’est quoi être un allié ? Sur ces sujets d’appropriation culturelle qui sont aussi très discutés, les artistes avancent un peu comme des funambules. Le livre qui date des années 70 est très lucide sur la question sans qu’il soit question de morale. C’est une pensée visionnaire à plusieurs égards. Cela fait 12 ans que je l’ai lu, je tournais alors en territoire israélo-palestinien (Inch’allah, 2012, NDLR)et les mêmes questions étaient soulevées. Le livre est un essai donc il a fallu tirer un fil narratif.
Sébastien Marnier : “On n’avait pas imaginé au début une coproduction avec le Québec mais cela s’est fait presque naturellement”
Quel est votre rapport à la francophonie ?
Sébastien Marnier : Quand j’ai fait mon premier film, j’étais déjà tellement content de faire un film que je ne me suis jamais posé cette question ! Jamais je n’aurais imaginé que j’aurais autant voyagé avec mes films, c’est un truc qu’on ne t’apprend pas ! C’est vrai que ce sont des choses que j’ai vraiment découvert avec le deuxième, L’Heure de la sortie, que j’ai accompagné pendant un an. La question de la représentation du cinéma français et francophone dans sa pluralité et sa diversité, cela devient presque un enjeu politique très concret. Le travail que fait Unifrance notamment est vraiment intéressant à ce sujet. Je me rends compte à l’étranger qu’on est un pays qui résiste plutôt mieux que tous les autres, comme la Corée qui s’est inspirée de notre système du CNC. On a cette chance. Il y a une sorte de modèle français mais qui ne doit pas être autocentré. On n’avait pas imaginé au début une coproduction avec le Québec mais cela s’est fait presque naturellement. Je voulais travailler sur la musique avec Pierre Lapointe, un artiste québécois que j’admire depuis longtemps et qui est devenu un ami et sur le son du film, je souhaitais vraiment collaborer avec Sylvain Bellemare et son équipe qui ont travaillé avec Denis Villeneuve et ont même eu un Oscar. Ils ont dit oui et la même semaine, nous avons eu l’accord de Suzanne Clément. On avait donc trois stars québécoises sur le film ! J’ai appelé Guilhem Caillard, le directeur de Cinemania, que j’avais rencontré dans un festival et ils nous a donné plein de contacts, une semaine plus tard on avait trouvé notre coproducteur. J’ai fini le film ici à Montréal il y a exactement un an. Cela a été assez facile et il n’y avait pas qu’un intérêt financier mais une réelle volonté de se confronter )à une approche différente du travail, notamment une vision très forte du travail sur le son, la musicalité. On a travaillé ici dans des condition très luxueuses. C’est une merveilleuse ouverture d’horizons ! Il y a ici une réelle ouverture : c’est l’émotion qui compte plus que le cérébral et ça fait du bien.