Lukas Dhont : “Je me sens vraiment en résonnance avec la langue française et la culture française”
FrenchMania était la semaine dernière à Montréal pour suivre le beau festival Cinemania dédié au cinéma francophone et qui organise cette année pour la première fois des rencontres professionnelles autour de ce sujet. Pour l’occasion, nous avons rencontré quelques-unes de personnalités invitées pour échanger avec elles sur leur rapport à la francophonie. Aujourd’hui, Lukas Dhont, doublement récompensé par le prix du jury et le prix du public du festival pour Close.
Qu’est-ce que le sujet de la francophonie vous évoque, en tant que réalisateur belge flamand ?
Lukas Dhont : J’ai grandi avec un cinéma américain. Le film favori de mon père, c’était Witness avec Harrison Ford. Pour moi la francophonie, le français n’était pas du tout présent dans mon éducation. Pendant mon adolescence, je me suis intéressé à d’autres propositions de cinéma car les films américains ne me nourrissaient plus de la même façon que quand j’étais enfant. C’est là que j’ai découvert d’autres formes de cinéma et avant tout des cinéastes belges francophones. J’ai découvert le monde de Chantal Ackermann, des frères Dardenne qui étaient omniprésents en Belgique mais aussi de Fabrice Du Welz puisque j’étais un grand fan de films d’horreur et j’étais fou de Vinyan. Quand je louais 3 films tous les vendredis au vidéoclub, je n’ai longtemps choisi que des films d’horreur ! J’ai commencé à m’intéresser de plus en plus au cinéma francophone parce qu’il y a une poésie pour moi, et c’est encore le cas aujourd’hui, à voir jouer dans cette langue qui n’est pas langue maternelle. Quand je dirige des comédiens, cela m’apporte une distance, me rend plus vulnérable parce que c’est moins concret que dans ma langue maternelle. Je ne sais pas comment analyser ça mais c’est un élément important même si je n’utilise pas beaucoup de mots car je crois aux non-dits et au langage des corps. Comme je voulais être danseur avant d’être réalisateur, cela me touche. Je me sens vraiment en résonnance avec la langue française et la culture française. Quand j’ai commencé à écrire Girl, l’histoire d’une danseuse transgenre en Flandre, je savais qu’utiliser le français et le flamand apportait un autre type de partage avec le film, et puis c’est ce qui se pratique dans mon pays. Cela a permis d’ouvrir le film au monde. Il y a quelques exceptions mais le cinéma flamand s’exporte assez peu. Avant de choisir Victor Polster pour le rôle principal, nous n’avions pas pris notre décision mais, comme il était francophone, nous avons décidé de former la famille en français en l’entourant de flamands. Quand le film est sorti en Belgique, et c’est aujourd’hui le cas pour Close, cela lui a permis d’attirer le public dans tout le pays. Cette idée d’unir un pays divisé par des frontières de langage, cela me réjouit et cela rencontre le public. Au Québec, les films de Dolan étaient vraiment importants, comme ceux d’autres cinéastes aujourd’hui comme Monia Chokri, ce sont des films forts, des voix excitantes. Dolan a popularisé la langue française auprès d’une génération plus jeune.
Vous allez conserver cette idée de mélanger le français et le flamand pour le prochain long métrage ?
Lukas Dhont : Le projet sur lequel je travaille devrait se tourner en français, en flamand, et sans doute en anglais aussi car le contexte met en scène de nombreuses nationalités différentes.