Irak, 2016
Après le succès publique et critique de la série No man’s land sur Arte (dont la deuxième saison est en cours de tournage), Cœurs noirs confirme la renaissance du genre fiction militaire sur le petit écran. Délaissées par le cinéma français (trop chères et sans réel succès en salles), ces fictions connaissent un regain d’intérêt de la part des producteurs télé. Sans doute parce que le format sériel permet une immersion géopolitique plus subtile qu’en deux heures, la gradation en puissance du souffle épique et autorise l’écriture de personnages évitant le piège du manichéisme simplificateur.
Autant de qualités cochées par Cœurs noirs, fiction coproduite par Prime et France Télévisions, qui nous plonge dans les terres arides de l’Irak, en octobre 2016. Nous sommes à la veille de la bataille de Mossoul, au sein d’une troupe des forces spéciales françaises. Leur mission consiste à retrouver et sortir du pays la fille et le petit fils d’un responsable de Daesh qui, à cette seule condition, a accepté de collaborer avec la France et fournir des informations vitales sur un attentat qui pourrait très prochainement se dérouler sur notre territoire…
Une série s’inspirant de diverses réalités historiques récentes (l’attentat de Strasbourg en 2018) et saluée pour son réalisme, portée par des écritures scénaristiques et de mise en scène ciselant une tension anxiogène de chaque instant. À l’écriture, on retrouve entre autres Duong Dang-Thai et Corinne Garfin, auteurs ayant tous deux travaillé sur Le Bureau des légendes. Chantage, manipulations, menaces quotidiennes, ambiguïté des engagements, rivalités entre soldats, dilemmes moraux, attentats suicide… Les six épisodes déroulent une dramaturgie ultra réaliste et nous plongent frontalement dans le quotidien tragique de ces soldats. L’écriture sérielle est maitrisée, riche en surprises et coups de théâtre, déployant un canevas épique ne tombant jamais dans le patriotisme benêt. Les personnages ne sont à aucun moment de simples archétypes héroïques mais des femmes et des hommes avec des failles, des hésitations et des doutes avec lesquels les impératifs de leur devoir militaire doivent cohabiter. De véritables caractères complexes, à plusieurs facettes et tous magnifiquement interprétés. Au casting on saluera entre autres les prestations de Nicolas Duvauchelle, Marie Dompnier, Nina Meurisse ou encore Thierry Godard. Sans oublier le dernier point fort de la série : sa mise en scène. Signée Ziad Doueiri, auteur de Baron noir à la télévision et de L’Insulte au cinéma, elle évite tout effet de lyrisme déplacé. Sèche et abrasive, elle travaille le hors champ avec sagacité, exploitant les angles morts ainsi que les perspectives tronquées des décors. Une scène se déroulant dans l’obscurité d’un souterrain situé entre les zones occupées et libérées de Mossoul est un grand moment de cinéma claustrophobe. Le montage, autre acmé de la réalisation, alterne nervosité précipitée et suspension anxieuse, le tout pour une mise en condition du spectateur dont nul ne sort indemne.
Disponible sur Prime Video