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Daaaaaali ! de Quentin Dupieux

par | 7 Fév 2024 | CINEMA, z - 1er carre droite

L’homme qui fuit 

Après s’être employé à faire le portrait d’un anonyme qui n’avait qu’un prénom (Yannick), Quentin Dupieux rend hommage à Dali, maitre du surréalisme et personnage aussi excentrique que mégalomane. Un nom court et populaire, que le réalisateur rallonge de plusieurs “A”, soit six fois Dali pour faire le tour du génie. Edouard Bear, Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Gilles Lellouche, Didier Flamand et Boris Gillot en livrent leur interprétation, affublés de la même moustache iconique. Fan des interviews que Dali accordait (en français) à la télé française, Quentin Dupieux choisit donc l’angle télévisuel pour nous faire palper un peu du modèle. Il met en scène une apprentie journaliste (divine Demoustier) qui rêve de faire un sujet sur Dali. L’artiste veut bien répondre à la demande de Judith, à la condition qu’il soit filmé par la plus grosse caméra du monde – il faut bien ça pour contenir sa démesure et son égo. Un cadre, des cadres, des mises en abîmes à l’infini. Au rythme des péripéties, le burlesque et l’absurde se déploient sans limite, et nous mettent la tête à l’envers. Comme dans les tableaux du peintre, l’espace et le temps sont mous et malléables, ce qui permet à Dupieux d’en explorer tous les conduits, même ceux qui fuient – et ce n’est pas un hasard si le film s’ouvre sur la “fontaine nécrophile coulant d’un piano à queue”. Ni hagiographie, ni biopic, Daaaaaali ! est une absurde comédie-enquête sur la personnalité (plurielle) de cet artiste, au travers de ses représentations médiatiques et les fantasmes qu’elles ont suscités. La démultiplication de Dali à l’écran traduit les variations de la perception que Dupieux a de cet insaisissable personnage (qui coule entre les doigts de Judith en permanence, comme l’eau du piano). Le film donne toujours l’impression de déborder, pourtant sa maitrise et son raisonnement par l’absurde sont virtuoses – comme le prouve la séquence du diner chez le jardiner de Dali, buñuelienne à souhait. Dupieux renoue ici avec ses figures de style fétiches : ellipses, inversions, interruptions, digressions (sans transition). Quant à la musique, signée Bangalter, c’est une ritournelle, un air de guitare qui se répète et complète les différents tableaux. Ils sont bel et bien signés : D, comme Dupieux.

Réalisé par Quentin Dupieux. Avec Anaïs Demoustier, Edouard Baer, Pio Marmaï, Gilles Lellouche … Durée : 1H12. En salles le 7 février 2024. 

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