Triptyque queer
Avant d’être possiblement réunis dans une même séquence épilogue d’un cabaret drag parisien, entonnant « On ne meurt plus d’amour » de la chanteuse Robi, les personnages des Garçons de province de Gaël Lépingle évoluaient dans différentes histoires, trois courts métrages comme les nouvelles d’un même recueil faisant film. Ce qui relie Youcef, Jonas et un jeune homme non nommé ? Tous trois sont des garçons qui aiment les garçons et dont le territoire géographique est appelée province, soit la France qui n’est pas Paris. Celle où il est encore moins aisé d’assumer son homosexualité. La province a toujours été terre cinématographique du cinéaste : des documentaires – où il filmait le Tarn dans son moyen métrage Une jolie vallée, la Beauce dans son premier long métrage Julien – aux fictions : L’Été nucléaire dont l’action se déroulait dans L’Aube et dans la ville d’Orléans pour Seuls les pirates (également en salles ce 1er février). Rêves enfouis, désir de partir, obligation de rester… Il y a quelque chose des romans d’apprentissages du XIXe siècle qui se joue en creux de ces représentations du milieu gay essentiellement citadin d’ordinaire. Ici, dans la première partie de ce triptyque des Garçons de province, Youcef (Yves-Batek Mendy) travaille dans une boite de nuit et s’apprête à passer une vie rangée avec son compagnon propriétaire d’un restaurant quand débarque temps d’une soirée une compagnie de drag queens. La vitalité et la spontanéité de cette joyeuse bande vont momentanément bouleverser la stabilité et les désirs de Youcef. Comme un passage entre le premier et le troisième film, un jeune garçon (Édouard Prévot) ose déambuler en talons aiguilles dans les rues d’un village où dans ces rues désertiques évoquant presque un cadre de western, seul le spectateur peut l’observer. La dernière partie raconte en quasi huis clos la rencontre entre Jonas (Léo Pochat) et Mathieu (Serge Renko), professeur d’histoire cachant son homosexualité, mais dans l’intimité de sa demeure, photographe amateur capturant des clichés érotiques de jeunes garçons affublés de costumes de théâtre. Tous liés par le déguisement comme une affirmation, trois instants de vies, trois solitudes mélancoliques saisis en cours de route par le regard et la caméra de Gaël Lépingle dont le romanesque s’inscrit pour longtemps dans les mémoires.
Réalisé par Gaël Lépingle, écrit par Gaël Lépingle et Michaël Dacheux. Avec Léo Pochat, Yves-Batek Mendy, Édouard Prévot, Serge Renko… – 1h24 – France – En salles le 1er février – La Traverse.